Toute élection est «historique», si l’on en croit la plupart des candidats briguant un poste électif en toutes circonstances et où que ce soit dans le monde… Mais celle de mardi aux États-Unis l’est réellement, et à un degré rarement atteint. Quelle qu’en soit l’issue, en effet, elle déterminera la direction que prendra l’Amérique – et, dans une bonne mesure, la planète entière – à ce moment trouble de l’Histoire.
Nous espérons que les Américains porteront le démocrate Barack Obama à la Maison-Blanche.
C’est souhaitable pour eux. Ça l’est pour nous qui sommes leurs voisins et partenaires les plus proches. Ça l’est pour le reste du monde qui, presque sans exception, attend comme une délivrance la fin de l’ère Bush et l’entrée dans le bureau ovale d’un homme en qui, pour des raisons probantes, beaucoup d’espoir est déjà investi.
La très longue campagne américaine a d’abord sorti du rang les deux candidats que l’on sait, puis les a soumis à la pression de la joute politique la plus dure qui puisse se concevoir en démocratie.
John McCain, un homme courageux, expérimenté, dévoué, a croulé sous cette pression. Déjà alourdi par le poids du terrible héritage républicain, il a été incapable d’avancer la moindre idée neuve à un moment où il en faut beaucoup. Refusant de couper avec de vieilles et exécrables traditions de petitesse politicienne, il a autorisé l’utilisation du mensonge et du salissage à l’endroit de son adversaire. Il a gravement erré à maintes reprises, jusqu’à s’adjoindre une colistière, Sarah Palin, non seulement dépourvue de compétence, mais terrifiante à imaginer dans une situation où elle accéderait en catastrophe à la présidence.
À l’inverse, la campagne et la pression ont grandi Barack Obama.
Il a fait un choix éclairé en plaçant sa confiance en Joe Biden. Il a montré un savoir et une audace remarquables par rapport à tous les enjeux, de la crise économique à la crise diplomatique, qui confrontent le monde. Il est demeuré digne en toutes circonstances.
Non seulement il n’a pas esquivé la question raciale qui devait fatalement se poser, mais il a utilisé le désolant épisode ouvert par son ex-pasteur pour offrir un brillant appel à la réconciliation et à l’espoir: son fameux discours «A More Perfect Nation», donné le 18 mars à Philadelphie, est déjà considéré comme un classique de l’histoire politique américaine.
Mais Barack Obama offre davantage encore: il offre l’inspiration, une chose plus grande que le charisme, plus intangible que l’intelligence, plus essentielle que l’expérience.
Chez un chef d’État, c’est cette qualité qui galvanise une nation, lui permet de s’arracher à son passé lorsqu’il le faut, lui fait accepter le sacrifice, lui donne l’énergie nécessaire pour réaliser de grandes choses. Puisqu’on parle des États-Unis, l’image de John F. Kennedy vient forcément à l’esprit. Et, de fait, ce qu’on attend d’Obama est, un demi-siècle après l’autre, l’exercice d’un type de leadership comparable, exigeant mais socialement juste, tourné vers l’avenir. Il ne s’agit pas cette fois d’aller sur la Lune, mais de réformer le capitalisme et de domestiquer les ressources énergétiques du futur. Non pas de gagner une guerre froide, mais de réparer les dégâts faits par de vraies guerres. Non pas de faire montre de puissance, mais d’ouverture.
Mardi, les États-Unis peuvent redevenir cette grande nation audacieuse, optimiste, inventive, qu’ils ont été dans le passé. Ils peuvent répondre à la «foi indéfectible dans la décence et la générosité du peuple américain, une nation qui est davantage que la somme de ses parties», a plaidé Barack Obama à Philadelphie.
Mardi, le monde entier les regardera.
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