Un moment d’histoire
Il ne se passe pas un jour sans que le lancer de chaussures sur George Bush par le journaliste irakien Mountadar Zaidi ne suscite réactions et commentaires. Pour ce geste, qui lui a valu la sympathie la plus unanime, Zaidi est passible d’une lourde peine de prison. Le tribunal irakien chargé de le juger assimile déjà son acte à un quasi crime de lèse-majesté. Il est vrai que le ridicule, tout comme les chaussures du journaliste irakien, n’a tué personne dans cette affaire. Car, enfin la question vaut d’être posée : la dignité de Mountadar Zaidi, et à travers lui celle des Irakiens, vaut-elle moins que celle de George Bush tout président des USA qu’il est ? Zaidi était d’une certaine manière en état de légitime défense face à un étranger qui s’est arrogé le droit d’occuper l’Irak et d’y faire des centaines de milliers de morts.
Il n’est pas possible d’exonérer le président américain d’une agression autrement plus grave, autrement plus condamnable que celle commise par le journaliste irakien. Les chaussures de Zaidi ont certainement fait moins de mal que les boots des militaires de la coalition internationale qui ont piétiné l’Irak sans que cela ne suscite la moindre émotion chez ceux-là mêmes qui s’acharnent à présenter George Bush comme une victime. Qui jugera les soldats américains pour avoir profané, en le foulant aux pieds, l’Irak ? Mountadar Zaidi pouvait ressentir la présence de George Bush à Baghdad comme une insupportable provocation. Quel est le journaliste américain qui aurait accepté que les USA soient militairement occupés et qu’un chef d’Etat étranger vienne en conquérant à New York et Washington ? Mountadar Zaidi n’a manqué ni de sang-froid ni de retenue ; il s’est comporté en patriote irakien et, il faut bien le souligner, en homme debout.
Sa comparution, vite programmée, devant un tribunal irakien tournera d’autant plus à son avantage que cette cour fera figure de tribunal de l’histoire.Le verdict des juges de Mountadar Zaidi n’altérera pas aux yeux de l’opinion internationale le sentiment qu’il s’agit d’un simulacre de procès. Mountadar Zaidi est déjà fort de la victoire symbolique d’avoir ridiculisé l’homme le plus puissant de la planète en le montrant sous son vrai jour : celui d’un président américain sans envergure ni consistance, qui quitte la scène dans une ultime pantalonnade qui n’a même pas mis les rieurs de son côté.George Bush qui s’était habitué à ce que ses courtisans lui cirent les chaussures, au propre comme au figuré, ne s’attendait pas qu’à Baghdad, un Irakien lui jette les siennes à la figure. Et c’est sans doute à cette image peu gratifiante que son nom restera associé. Mountadar Zaidi aura, lui, d’autres motifs d’entrer dans la postérité. Il suffira, pour cela, qu’il sache où mettre les pieds.
Par Amine Lotfi
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