Grosse journée au bureau, hier, pour Barack Obama. Il a officiellement pris la décision la plus symbolique, aux yeux du monde, de sa toute jeune présidence: fermer à l’intérieur d’un délai d’un an la prison de Guantánamo, cette geôle extraterritoriale devenue depuis longtemps le déshonneur de l’Amérique.
La veille, il avait suspendu les procès d’exception qui y avaient, ou devaient y avoir lieu. Hier, il a aussi rétabli la prééminence de la Convention de Genève au profit des présumés terroristes, ou combattants de quelque sorte, actuellement détenus par les États-Unis; et restauré l’autorité des procédures militaires d’interrogatoire (Army Field Manual) qui excluent la torture.
Enfin, à l’heure du thé, le président a offert la nouvelle image du secrétariat d’État, le «ministère» d’Hillary Clinton. Il a assigné des envoyés spéciaux au Proche-Orient, George Mitchell, ainsi qu’au Pakistan et en Afghanistan, Richard Holbrooke. Il s’agit d’un signal non équivoque de recentrage de la diplomatie américaine, égarée depuis huit ans dans des chemins de traverse, notamment et surtout dans le cul-de-sac irakien.
De façon solennelle (comme dans son discours inaugural, il a employé l’expression We, The People, dont on connaît l’ancrage dans la psyché nationale), Obama a promis que «la droiture morale serait désormais le fondement et le phare du leadership américain dans le monde». Parlant alors devant les hauts fonctionnaires du secrétariat d’État (qui n’ont pas précisément la réputation d’être des groupies écervelés et hystériques…), le président a été, non pas applaudi, mais ovationné!
Au total, il est difficile d’imaginer désaveu plus net et plus cinglant de la totalité de la politique extérieure de l’administration Bush au cours des huit dernières années.
Bien sûr, rien n’est jamais aussi simple. Et, au sujet de Guantánamo, Barack Obama ne doit pas succomber à l’angélisme. Car le fait est qu’assez peu d’enfants de choeur sont détenus en cet endroit.
Des prisonniers libérés au cours des ans (le nombre de pensionnaires est passé de 750 à 245), on a la certitude ou la quasi-certitude que de 30 à 60 sont retournés à la lutte armée. De ceux qui restent, une soixantaine sont considérés comme extrêmement dangereux. Dans certains cas, un procès juste est hors d’atteinte, la preuve éventuelle étant «souillée» par la torture réelle ou invoquée – un autre magnifique héritage de l’administration précédente. Dans d’autres, des pays dont les ressortissants sont détenus à Guantánamo ne manifestent aucun empressement à les reprendre – au fait, encore hier, Ottawa a confirmé qu’il se hâterait de… ne rien faire dans le dossier Omar Khadr.
Il est facile de faire de belles déclarations humanistes lorsqu’on n’a pas à administrer cette situation. Mais elle est d’une complexité effarante pour celui qui vient d’entrer à la Maison-Blanche et est mandaté pour, à la fois, protéger la population américaine et rétablir le droit.
Barack Obama vivra d’autres grosses journées au bureau.
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