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Le tout nouveau et très adulé président des États-Unis, Barack Obama, arrive demain au Canada avec le sentiment que la mission internationale en Afghanistan a besoin d’être repensée. Alors qu’Ottawa mise encore sur sa force militaire, le président américain, lui, veut insister davantage sur le développement et la diplomatie pour venir à bout de l’extrémisme.

En entrevue exclusive hier soir au réseau CBC, Barack Obama a concédé que les États-Unis avaient «quitté des yeux» l’Afghanistan, trop pris qu’ils étaient avec le bourbier irakien. C’est pourquoi il a demandé une révision de l’approche dans ce pays. «Je suis absolument convaincu que nous ne pouvons régler le problème de l’Afghanistan, des talibans et de la propagation de l’extrémisme dans cette région seulement par des moyens militaires, a-t-il dit. Nous devons utiliser la diplomatie, le développement, et j’espère que, lors de mes conversations avec le premier ministre Harper, nous en arriverons à considérer l’importance d’adopter une approche globale.»

Selon l’AFP, le président a autorisé l’envoi de 12 000 soldats supplémentaires à partir du printemps. La communauté internationale devra trouver des troupes pour remplacer les quelque 2800 soldats canadiens que le Parlement s’est engagé, par vote, à retirer d’Afghanistan en 2011. En entrevue, le président s’est dit au courant de cette date, mais il a quand même précisé qu’il était important «que les Canadiens aient l’impression que ce qu’ils font là-bas est productif», laissant sous-entendre que ce n’était pas le cas.

Avant même que les propos présidentiels soient diffusés, le chef du Parti libéral, Michael Ignatieff, s’en faisait déjà l’écho. À Québec, il a déclaré que, selon lui, «nous sommes un peu perdus en Afghanistan. […] Il faut retrouver la bonne stratégie». L’entourage du chef libéral ne manque pas de souligner que M. Ignatieff a ses entrées dans l’entourage de Barack Obama.

M. Obama arrivera à Ottawa demain à 10h30 pour ce qu’on qualifie ici de «rencontre de travail». À l’aéroport, des restrictions de vol seront imposées entre 10h et 18h, notamment l’interdiction de vols privés et non commerciaux. Aucune circulation aérienne ne sera autorisée pendant l’atterrissage et le décollage d’Air Force One.

M. Obama s’entretiendra avec le premier ministre Stephen Harper durant un total de 40 minutes, assistera à un «déjeuner de travail» en compagnie de ministres que l’entourage de M. Harper refuse d’identifier, participera à une conférence de presse conjointe pendant laquelle seulement quatre questions pourront être posées, puis retournera à l’aéroport où il rencontrera le chef libéral avant de repartir chez lui. L’entourage du premier ministre a menacé d’annuler la conférence de presse si les journalistes tentaient de poser d’autres questions lors des prises de photos.

Protectionnisme encore à l’horizon

L’économie et l’environnement figureront aussi à l’ordre du jour des discussions. Les entreprises canadiennes ne seront peut-être pas tout à fait soulagées d’entendre les propos du président américain. Au cours de l’entrevue à CBC, M. Obama a été invité à rassurer le Canada sur l’impact de la clause «buy american» contenue dans son plan de relance.

«Notre administration s’engage à ce que, même en prenant des mesures pour renforcer l’économie américaine, nous le fassions d’une manière telle qu’avec le temps, cela renforcera la capacité de nos partenaires commerciaux, tels que le Canada, à faire affaire à l’intérieur de nos frontières.» Il a ajouté que «lorsque de puissants concurrents américains seront en mesure de vendre leurs produits et services, les gouverneurs et les maires voudront essayer de trouver des équipements et des services américains», mais dans le respect de leurs obligations commerciales internationales.

Sur la question environnementale, enfin, le président ne s’est pas trop aventuré à propos des sables bitumineux albertains, que certains considèrent comme du «pétrole sale». Hier, des groupes environnementaux ont mis en garde Ottawa contre la réglementation américaine, attendue d’ici un an, qui limitera le recours à ces sources d’énergie dites «sales». «Il y a une grosse campagne aux États-Unis et [Obama] ne pourra pas faire comme s’il n’y avait pas de problème avec les sables bitumineux albertains. Ça ne passera pas», croit Steven Guilbault, d’Équiterre.

Affaire de chimie

L’entourage du premier ministre insiste sur le fait que le but de la rencontre est d’établir une relation «sur de véritables bases personnelles». La question est de savoir avec qui, de Stephen Harper ou Michael Ignatieff, le président se découvrira le plus d’atomes crochus.

Si Obama a en commun avec le premier ministre sa quarantaine et un statut de père de deux jeunes enfants, il s’en distingue par son approche rassembleuse et, sur le plan économique, interventionniste. À l’opposé, Michael Ignatieff a en partage une famille politique plus centriste. Il a déjà ses entrées à la Maison-Blanche. À l’université Harvard, il s’est lié d’amitié avec Larry Summers, aujourd’hui principal conseiller économique du président, et Samantha Power, qui siège au National Security Council. L’époux de cette dernière, Cass Sunstein, également un ami, est pressenti pour aller à la Maison-Blanche.

Notons enfin que le premier ministre n’a aucune intention d’aborder la question d’Omar Khadr avec le président américain. «Ce serait inapproprié», a tranché Kory Teneycke en soulignant que le jeune homme fait face à des accusations de meurtre et de terrorisme.

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