The Obama Effect, Latin-American Style

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L’obamania change d’hémisphère. Après sa tournée européenne, le président américain va, cette semaine, à la rencontre de l’Amérique latine. Le sommet des Amériques qui se déroulera du 17 au 19 avril, à Trinidad y Tobago, lui permettra de s’adresser à tous les chefs d’Etat du continent, à l’exception du président cubain Raul Castro, dont le pays a été exclu de l’OEA (Organisation des Etats américains) en 1962.

Barack Obama bénéficie d’un énorme capital de sympathie dans cette région qui se méfie traditionnellement de l’establishment « blanc anglo-saxon protestant », historiquement lié à la politique d’ingérence et du « gros bâton ». L’engouement pour le premier président métis des Etats-Unis rappelle celui qui avait accueilli le premier président catholique, John F. Kennedy, au début des années 60.

L’obamania, toutefois, n’y est pas universelle. Certains cercles dirigeants et l’oligarchie sont circonspects, voire hostiles, car le nouveau locataire de la Maison-Blanche les renvoie à leurs ambiguïtés et à leurs manquements.

Le président américain croisera notamment Hugo Chavez – qui avait déclaré, début novembre, qu’il serait heureux de rencontrer « el negro Obama ».

Ceux qui n’apprécient guère le bouillant leader vénézuélien ironisent déjà. « La popularité d’Obama va compliquer la vie de Chavez », écrit Andres Oppenheimer, dans le Miami Herald. Il est plus facile, en effet, quand on se réclame de l’anti-impérialisme, de se gausser d’un visage pâle texan comme George Bush que d’un mulâtre marié à une descendante d’esclaves.

Toutefois, l’idéologie « bolivarienne » n’est pas la seule référence que Barack Obama bouscule. Dans ce continent profondément marqué par la traite négrière et dont la population indienne, quand elle n’a pas été exterminée, reste victime du mépris et de la discrimination, Obama suscite inévitablement des comparaisons et des introspections sur la « question raciale ».

Dans l’imaginaire global, l’Amérique latine est perçue comme le continent par excellence du métissage, une « fusion » qui s’exprime à la fois dans sa population et dans son art. Dans la « race cosmique », synthèse de l’indianité, de l’hispanité et de la négritude, imaginée dans les années 20 par le philosophe mexicain José Vasconcelos, dans les peintures luxuriantes du Cubain Wilfredo Lam, dans l’envoûtant « latin jazz » du Portoricain Tito Puente ou la magie du romancier brésilien Jorge Amado.

Toutefois, malgré cette ode au métissage, malgré la victoire de l’indien aymara Evo Morales en Bolivie, du « quechuaphone » Rafael Correa en Équateur et du zambo (métis de Noir et d’Indien) Hugo Chavez au Venezuela, l’Amérique latine reste un continent dont les institutions de pouvoir et de prestige reflètent très mal l’importance de ses populations « non blanches ».

« L’épiderme social latino-américain, note, dans Amérique latine. Introduction à l’Extrême Occident, publié au Seuil, Alain Rouquié , est si sensible à la couleur qu’un ethnologue brésilien a pu relever près de trois cents termes pour traduire les infinies nuances qui, du noir au blanc, situent socialement un individu sur la base d’une intériorisation quasi indiscutée de l’idéal caucasien. L’ascension sociale passe toujours par le blanchiment. »

Au Brésil, près de la moitié des 192 millions d’habitants sont d’origine africaine. Toutefois, en dépit du discours officiel sur la « démocratie raciale » et des mesures prises par le président Lula, la quasi-invisibilité des Noirs dans les cercles du pouvoir atteste de leur statut de seconde zone. À Cuba, la population afro-latine, très présente dans la culture populaire et dans la rhétorique révolutionnaire, reste nettement sous-représentée dans les hautes instances du Parti communiste, du gouvernement et des forces armées. En Colombie, les Afro-Latinos sont plus de 10 millions, représentant 20 % de la population, mais, selon Newsweek, un Noir sur cinq seulement a accès à l’eau et à l’électricité (contre 60 % pour le reste de la population), et le taux de mortalité infantile des Afro-Colombiens est trois fois plus élevé que celui des Blancs.

Au cours des vingt dernières années, les Afro-Colombiens ont été particulièrement affectés par les violences opposant l’armée, la guérilla et l’extrême droite. Ils ont souvent été chassés de leurs terres communautaires par des groupes paramilitaires à la solde des spéculateurs fonciers, des narcos ou des producteurs d’huile de palme, base de l’industrie des biocarburants.

Le sort des 150 millions d’Afro-Latinos (sur une population de 540 millions) est, depuis quelques années, à l’agenda des réunions interaméricaines.

Partout, le Black Power latino se renforce, et il est soutenu par des groupes influents aux Etats-Unis (fondations, organisations noires, ONG des droits de l’homme) qui disposent de puissants relais au Congrès et à la Maison- Blanche.

Sous l’administration Bush, à l’initiative de Condoleezza Rice, une politique spécifique d’appui aux Afro-Latinos avait déjà été mise en place, notamment dans le cadre des programmes d’aide au développement.

Elle va probablement être étendue car, comme le note un rapport transmis le 21 novembre dernier au Congrès, certains estiment que « les revendications des Afro-Latinos en matière de représentation politique, de droits fonciers, d’accès à la santé et à l’éducation, coïncident avec les objectifs des Etats-Unis dans la région ».

L’effet de cette politique s’est déjà fait sentir. Fin mars, le Washington Post signalait que les pressions du Congrès américain avaient amené le président Uribe à ordonner à neuf entreprises productrices d’huile de palme de restituer aux communautés afro-colombiennes les terres dont celles-ci avaient été spoliées dans la région du Choco.

Barack Obama, c’est tout à son honneur, n’a pas fait de son métissage un argument électoral.

Toutefois, sa victoire inspire tous ceux qui, en Amérique latine, appuient une démocratie non raciale, c’est-à-dire une société qui combat activement l’inégalité entre les communautés parce qu’elle est attachée au respect de la dignité et de la liberté de chacun.

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