Edited by Caitlin Krieck
Etats-Unis – Chine: l’illusion d’un G2
Frédéric Koller
L’océan Pacifique sera-t-il l’épicentre de ce siècle nouveau? A entendre Barack Obama, on pourrait le croire. «Les relations entre les Etats-Unis et la Chine façonneront le XXIe siècle», a déclaré le président américain en inaugurant un «Dialogue stratégique et économique» destiné à renforcer la coopération entre les deux pays. A priori, la prédiction n’a rien de très audacieux. La montée en puissance du pays le plus peuplé de la planète est inéluctable (la Chine sera bientôt la deuxième économie mondiale) et les Etats-Unis resteront pour longtemps encore l’unique superpuissance. Les deux pays sont les principaux pollueurs de la planète et ils sont l’un et l’autre durement frappés par la crise économique. Il y a une logique à ce que ces deux mastodontes collaborent prioritairement pour à la fois relancer le commerce et lutter contre le réchauffement climatique. A tel point que certains, aux Etats-Unis, veulent croire à la nécessité d’un G2 qui piloterait, en bonne entente, le monde en lieu et place d’un G8 agonisant. Des médias chinois évoquent une ère de Pax Americhina ou Chinamerica qui dominerait la géopolitique du XXIe siècle.
Ce scénario est-il réaliste? On peut en douter. Si Pékin et Washington partagent une même conception de la croissance économique depuis le ralliement de la Chine à l’économie de marché, leurs visions politiques demeurent pour l’essentiel antagonistes. 2009 marque le trentième anniversaire de la normalisation de leurs relations. Celle-ci s’est traduite par un apaisement global malgré quelques coups de froid passagers. La méfiance de part et d’autre du Pacifique n’en demeure pas moins vive et les risques de confrontation aussi nombreux que les raisons de collaborer.
Un tel G2 serait-il d’ailleurs souhaitable? Certainement pas. Faut-il rappeler que l’échec actuel du capitalisme s’explique aussi par une crise de surconsommation dont le couple sino-américain est en grande partie responsable? Après le monde binaire de la Guerre froide et la fin de l’illusion de l’«hyperpuissance» américaine des années Bush, l’heure est au multilatéralisme et à un G20 incluant l’ensemble des grands acteurs mondiaux. Si «les relations sino-américaines façonneront le XXIe siècle», Barack Obama a lui-même aussitôt précisé – et tout est dans cette nuance – que cela les place «parmi les plus importantes relations bilatérales au monde». Ni plus, ni moins.
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