Brother André and Tiger Woods

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Canonisation et décanonisation. Vendredi matin, 10h, en direct de l’oratoire Saint-Joseph, le cardinal Turcotte donne une conférence de presse. Le pape avait confirmé, plus tôt, que le frère André serait canonisé le 17 octobre prochain. Youppi! Notre premier saint né au Québec! Le cardinal Turcotte déclare que le frère André vient d’obtenir la médaille d’or de l’Église.

Le test antidopage a été long! Soixante-treize ans après sa mort, il reçoit enfin sa médaille. C’est encore plus long que pour Sylvie Fréchette. Malheureusement, le frère André n’est pas là pour répondre aux questions des journalistes. Quoi? Maintenant qu’il est saint, il aurait bien pu faire un miracle. Si Elvis est capable de présenter un nouveau spectacle à Vegas, le frère André est sûrement capable de faire entendre sa voix dans l’oratoire.

Toujours vendredi matin, 11h, cette fois en direct du siège de l’Association professionnelle des golfeurs, à Ponte Vedra, en Floride. Tiger Woods donne une conférence de presse. Il parle pour la première fois depuis le scandale. Depuis que l’Amérique a découvert que Woods n’était pas fait en bois. Que le Tiger était un lapin. Qu’il avait plus de maîtresses que de bâtons dans son sac.

Le frère André et Tiger Woods, deux destins qui se croisent en cette blanche matinée de février. Le modeste frère André, qui a dû attendre trop longtemps avant d’être enfin sanctifié. Le richissime Tiger Woods, déifié au début de la vingtaine. Monsieur Perfection. Parce qu’il joue au golf divinement, durant 13 ans, les fans, les médias et les annonceurs l’ont porté aux nues. On ne savait juste pas que les nues étaient des filles.

Hier, le frère André est devenu un saint. Tiger Woods est redevenu un homme. Pendant que le frère André accédait au Saint des Saints, Tiger Woods montait les marches de l’Oratoire à genoux pour se faire pardonner. Il a lu un acte de contrition devant ses amis réunis. Il s’est flagellé au fer 3 durant un bon quart d’heure. Debout au micro, seul, pas d’épouse cocue pas contente à ses côtés, devant de grands rideaux bleus. C’était son seul décor. Des rideaux bleu nuit. Derrière et sur les côtés. Pendant un instant, j’ai pensé que Woods nous réservait une grande finale. Que, à la fin de ses plates excuses, les rideaux allaient s’ouvrir et que toutes ses maîtresses, en porte-jarretelles et talons hauts, allaient danser le cancan. Et que Tiger Woods allait regarder la caméra bien en face, déchirer ses feuilles et crier: «Go to hell! Chérie, Nike, National Enquirer, je vous emmerde tous!» Puis les rideaux bleus se seraient refermés et l’assistance n’aurait entendu que les sons de la partie de jambes en l’air de Tiger avec ses amies. Fore! En ajoutant «ur» entre le o et le r.

Mais Tiger n’a pas fait ça. Après s’être excusé au moins 10 fois sans jamais nous dire de quoi (ce qui aurait été beaucoup plus excitant à entendre que son boniment), le grand Woods s’est jeté dans les bras de sa maman. Il avait l’air vraiment peiné. Presque autant qu’après avoir manqué un coup roulé. C’est l’image qu’il voulait donner aux photographes: bébé Tigre se fait consoler par maman Tigre.

Hier, c’était le coup de départ de la réhabilitation de Tiger Woods. Et il a réussi à se placer dans l’allée. Il y a peu de chances que le pape le canonise. Mais Tiger Woods a besoin de réintégrer le Saint des Saints. Car si Woods a empoché un milliard de dollars depuis le début de sa carrière, ce n’est pas seulement parce qu’il est capable de mettre la balle dans le trou, c’est parce qu’il est un modèle. Et c’est là que le frère André et Tiger Woods se rejoignent. Le frère André est un modèle de vie pour les catholiques. Humilité, sacrifice, altruisme. Le problème, c’est qu’il n’y a plus de catholiques. Tiger Woods est un modèle de vie pour n’importe qui. Talent, travail, perfection. Et des n’importe qui, il y en a beaucoup. C’est comme ça qu’il a fait fortune. En incarnant ces valeurs. Voilà pourquoi les infidélités de Tiger le font basculer de son piédestal. Il peut encore jouer au golf, mais il ne peut plus être un modèle. Un modèle avoué, s’entend. Car, en secret, il doit y avoir encore plus d’hommes qu’avant qui rêvent d’être Tiger Woods… et d’avoir son harem.

Il n’y a pas si longtemps, la canonisation du frère André aurait été jour de fête nationale au Québec. Dans les années 50, cela aurait été plus fort que Maurice Richard. Aujourd’hui, les excuses d’un obsédé sexuel lui ont volé la vedette. La religion s’en va chez le diable.

Après sa mort, on a exposé le coeur du frère André parce qu’il était un homme de coeur. Après sa mort, je me demande quel organe de saint Tiger Woods on exposera. Son putter?