Un sommet sur la sécurité nucléaire débute ce lundi à Washington. Barack Obama l’inscrit dans une stratégie globale de lutte contre la dissémination.
Le danger avait sauté aux yeux après l’effondrement de l’empire soviétique, avec ces armes et cette technologie nucléaires soudain à l’abandon, semblant prêtes à se donner au plus offrant. Puis elle a ressurgi autour du Pakistan, avant de perdre un peu de son actualité. Les Etats-Unis l’affirment cependant aujourd’hui sans ambages: «La réalité du danger nucléaire n’a fait que s’accroître ces dernières années», estime la secrétaire d’Etat Hillary Clinton.
Pour deux jours à Washington, près de 50 pays sont ainsi invités à méditer sur la question du terrorisme nucléaire et à en faire leur cheval de bataille. A trouver, en d’autres termes, des moyens visant à assurer une «sécurité nucléaire» en prévenant «les terroristes, les criminels ou d’autres acteurs non autorisés d’acquérir du matériel nucléaire».
Une bombe nucléaire explosant en plein Times Square, à New York, et provoquant un million de morts. Un nuage atomique flottant sur Paris ou sur Londres… Les Etats, dit le brouillon de communiqué final sur lequel vont plancher les délé¬gations, ont «une responsabilité fondamentale» pour empêcher la réalisation de tels scénarios catastrophes. Le texte reste cependant vague sur les mesures à réaliser, se contentant d’appeler les pays à «mener des actions nationales responsables» et à entreprendre une coopération internationale «durable et efficace». Derrière ces objectifs flous, la grand-messe de Washington devrait toutefois, aux yeux des responsables américains, servir à raviver deux conventions internationales moribondes qui définissent plus clairement la responsabilité des Etats en la matière, mais restent pour l’instant largement ignorées ou en attente d’être ratifiées depuis des années.
Pragmatisme
En réalité, pour représenter une concentration de chefs d’Etat et de gouvernement tout à fait exceptionnelle – même pour une ville comme Washington –, le sommet de cette semaine n’est qu’un pion dans une stratégie beaucoup plus vaste dessinée par la Maison-Blanche en matière de lutte contre la dissémination nucléaire. Après le renouvellement du traité START avec les Russes, puis la publication d’une nouvelle doctrine de l’usage de l’arme nucléaire américaine, l’administration de Barack Obama cherche à refermer le piège grâce à cette conférence sur la menace terroriste, qui sera suivie, le mois prochain, de négociations à New York sur le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), visant à limiter l’accès des Etats à l’armement atomique.
En poursuivant cette stratégie tous azimuts, le gouvernement américain se montre prêt à injecter dans les discussions une bonne dose de pragmatisme. A la veille de la conférence, Barack Obama a ainsi accepté de contribuer à la légitimation de l’homme fort contesté du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaev, en mettant en avant ses seules réalisations en matière de lutte contre la prolifération nucléaire après la chute de l’URSS. De même, l’Inde et le Pakistan, qui recevront le même traitement de faveur à Washington, semblent désormais entrer de plain-pied dans le club des Etats nucléaires, après en avoir forcé la porte depuis une douzaine d’années.
Même si le fait de combattre la menace terroriste semble plus acceptable pour les Etats que les immixtions que représente le TNP, la partie est loin d’être gagnée. L’absence à Washington du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, qui craint que ne soit mise en lumière une nouvelle fois la «duplicité nucléaire» de l’Etat hébreu, mais qui se sent en première ligne face aux risques d’une dissémination, démontre bien à quel point les divers dossiers sont intimement liés. Ils soulèvent à la fois des menaces existentielles pour les Etats mais s’immiscent aussi en plein cœur de leurs prérogatives nationales.
Ainsi, à l’instar de la France, d’autres pays voient avec beaucoup de suspicion un contrôle accru sur les deux matières qu’ils sont les seuls à produire mais qui font rêver les éventuels candidats au terrorisme nucléaire: le plutonium et l’uranium hautement enrichi. Un potentiel droit de regard sur leur production et leur stockage sera à peine mentionné à Washington, autrement que par des promesses qui n’engageront pas leurs auteurs. Or les quelque 500 tonnes de plutonium et les 1600 tonnes d’uranium enrichi stockées sur la planète suffiraient à réaliser 120 000 fois la sinistre prophétie d’une hécatombe autour de Times Square…
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.