Les marchands d’armes américains ont de quoi être heureux. Par cinq voix contre quatre, la Cour suprême des États-Unis a décrété que le deuxième Amendement de la Constitution, qui garantit le droit de tout individu de posséder une arme, s’applique aux États et aux localités. Dans les attendus, les juges soulignent, en guise de justification, que le droit à l’autodéfense est au coeur de la conception américaine de la liberté «ordonnée», en prenant soin de ne pas se prononcer sur la constitutionnalité des lois des États où la propriété de pistolets et fusils est interdite.
Ce faisant, la majorité conservatrice de la Cour suprême laisse aux tribunaux dits inférieurs le soin de déterminer si le bannissement d’armes arrêté en 1983 à Chicago et Oak Park (Illinois) est constitutionnel ou non. Maire de Chicago, Richard Daley a exprimé sa déception en rappelant, à juste titre, que le règlement de 1983 avait sauvé des centaines de vies. Il faut savoir que, aux États-Unis, il y a plus d’armes en circulation que de citoyens. Il faut savoir également que pas moins de 60 000 personnes par année sont tuées ou blessées par des armes.
Il faut savoir surtout que, lorsque le deuxième Amendement a été composé, ses rédacteurs avaient très frais à leur mémoire la guerre d’indépendance contre l’Empire britannique. En composant ce texte, les fondateurs de la jeune république voulaient que tout homme soit un citoyen-soldat. Quoi d’autre? Un fait strictement financier. À l’époque, l’achat d’un fusil équivalait à une année de revenus. Qui plus est, comme la révolution industrielle n’était pas encore passée par là, les fusils n’avaient pas les capacités meurtrières de ceux d’aujourd’hui. Bref, le nombre des armes en circulation était petit-petit-petit comparativement à ce qu’il est aujourd’hui.
Comme par hasard, la Cour suprême a dévoilé ses conclusions au moment où, simultanément, les sénateurs de la Commission de la justice amorçaient les audiences au cours desquelles la candidate du président Barack Obama à un siège au sein de cette institution va être questionnée comme étudiée. Il s’agit d’Elena Kagan, ex-solliciteure générale.
Toujours est-il que, lors de l’annonce du choix de Kagan, le président Obama avait insisté sur le fait que la nature de ce choix, la raison de celui-ci, se résumait comme suit: contrecarrer l’activisme conservateur que poursuivent cinq des magistrats. Sur quels fronts? Principalement le mariage gai, l’avortement, l’égalité des sexes et les… armes à feu.
Sur tous ces sujets, les républicains se sont engagés à questionner vigoureusement Elena Kagan pour déterminer si, en tant qu’ancienne membre du cabinet d’Obama, elle n’a pas des visées politiques élaborées en fonction de celles de la Maison-Blanche. En un mot, il faut s’attendre à une foire d’empoigne, à une guerre de tranchées d’autant plus vive que les militants du Tea Party, le courant d’extrême droite du Parti républicain, promettent une campagne anti-Kagan conçue à l’enseigne de la férocité.
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