L’état d’urgence, décrété le 7 février 1992, au moment où l’Algérie venait de basculer dans la spirale mortifère de la violence islamo-terroriste, a été officiellement levé jeudi. La décision annoncée, mais déjà actée lors du dernier conseil des ministres, a donné lieu à un retentissement médiatique international synonyme de satisfecit. En témoigne, par exemple, la réaction du président américain qui parle de “signe positif”. Barak Obama n’a-t-il pas tiré plus vite que son ombre, un peu comme Lucky Luke, en s’emballant aussi vite ?
Car au risque d’être accusé de grincheux par les applaudisseurs patentés, n’est-il pas opportun de se poser au moins la question de savoir ce qui va désormais changer et si ce qui va changer sera à la mesure de cette fantasmagorie entretenue depuis des années autour de l’état d’urgence. Cette question nous amène à dire d’emblée : pas grand-chose. Du moins sur le plan politique. Car les manifestations publiques dans la capitale seront toujours interdites. Le ministre de l’intérieur l’a encore répété jeudi à la radio. Or, les manifestations publiques, dans la capitale précisément, constituent un des aspects palpables de l’état d’urgence, s’agissant de son impact direct et négatif sur l’exercice des libertés démocratiques du citoyen. Et ce n’est certainement pas par coquetterie que le président américain a exprimé aussi dans sa réaction, sur ce chapitre précis, son impatience “de voir les prochaines mesures qui seront prises pour permettre aux algériens d’exercer leurs droits universels dans la liberté d’expression et d’association”.
Il est vrai qu’en revanche la lutte contre le terrorisme sera désormais coordonnée par l’état-major de l’armée. Ce qui signifie que les walis et les services de sécurité au niveau local reprendront une partie de leur pouvoir, à la faveur de la nouvelle ordonnance, et que la poursuite de la lutte contre le terrorisme sera désormais rigoureusement balisée par des garde-fous judiciaires. Ce qui signifie la fin des abus et autres attitudes arbitraires commis au nom de l’état d’urgence, qui ont toujours donné du grain à moudre à des ONG pas toujours bien intentionnées.
Donc, tout pesé et tout bien considéré, à propos de la levée de l’état d’urgence, on peut bien utiliser la célèbre formule de Shakespeare : To much noise about nothing (trop de bruit pour rien).
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