Ben Laden est donc mort! Un chapitre de la lutte antiterroriste semble clos. Faut-il pour autant s’en féliciter? La question se pose d’autant plus que l’action américaine, sur renseignement, a été réalisée au mépris de la souveraineté d’un Etat (le Pakistan) dont les dirigeants, confus, ne pouvaient, après coup, qu’en prendre acte. Avec, donc, la disparition de Ben Laden, les Américains règlent d’abord un compte personnel avec l’ancien agent de la CIA, reconverti dans «l’Islam de combat», cet islamisme à l’avènement duquel les Etats-Unis ne sont pas totalement étrangers avec Ben Laden comme gourou et, dans le même temps, repoussoir qui a permis à Washington de jouer sur tous les tableaux. Notamment, son soutien aux islamistes afghans qui ont produit des succédanés qui ont fait beaucoup de mal et de dégâts dans les pays arabes et musulmans, singulièrement en Algérie. En finissant par tuer Ben Laden, les Etats-Unis ont ainsi signifié la fin de mission à leur ancien agent devenu plus problématique que réellement utile. Mais la mort de Ben Laden, mettra-t-elle pour autant un terme à la nuisance terroriste? Permettez-nous d’en douter. En réalité, depuis maintenant près d’une décennie, et les attentats contre les tours jumelles de New York, en septembre 2001, les Etats-Unis tenaient le prétexte qui leur donnait d’intervenir partout dans le monde au titre de la «sécurité» et de la défense «des intérêts» américains. Après cet attentat, dont les tenants et les aboutissants demeurent obscurs et restent toujours à déterminer – aucun spécialiste, aucun expert y compris américain ne croit ni n’a cru à la possibilité pour des islamistes (démunis de culture technique scientifique et architecturale) de pouvoir mettre au point une attaque aussi sophistiquée aussi bien orchestrée et programmée que celle contre le World Trade Center de New York – le monde s’est installé dans la psychose et, du point de vue des Etats-Unis, cela leur a permis en particulier d’envahir l’Irak. Un jeu donc très subtil dont il n’est pas facile d’en démonter les structures et mécanismes mais dont les retombées ont été d’un grand profit pour les seuls Etats-Unis devenus unique puissance mondiale décidant de tout et pour tous. Faut-il poser la question, à qui profite le crime? Après la chute du bloc communiste et, partant, la disparition de la «terreur rouge» qu’il induisait, il fallait trouver une autre «terreur» de remplacement pour, entre autres, permettre au complexe militaro-industriel de continuer de fonctionner. Cette «red scare» (terreur rouge, ou communiste), qui a servi de support à toutes les manoeuvres militaro-politiciennes et de mise au pas, à l’époque soviétique, est ainsi reprise avec profit avec la nouvelle «green scare» (terreur verte, ou islamique). Cette politique de la peur (politic of fear) qui a trouvé dans les années 1990/2000, sa pleine expression avec la montée en puissance de l’islamisme commandité par les USA et coordonné en sous-main par la CIA, a été menée jusqu’à ses ultimes conséquences. Du jour au lendemain est apparu le nouvel ennemi public des Etats-Unis et par extension celui du reste du monde, la fameuse nébuleuse «Al Qaîda». Mais cette nébuleuse existe-t-elle seulement? Le questionnement n’est pas aussi absurde qu’il pourrait le paraître et renvoie directement à l’instrumentalisation qui a été faite, ces dernières années, des groupes islamiques radicaux par les grandes puissances occidentales, notamment, et singulièrement par les Etats-Unis. On ne peut pas comprendre l’évolution qu’a connue l’islamisme si l’on ne revient pas à sa genèse première lorsque Washington a cru pouvoir manipuler au profit de ses intérêts, ces groupes fanatisés à l’extrême pour des objectifs précis qui n’avaient rien à voir avec la paix et la sécurité dans le monde, ni la libéralisation du monde musulman. En fait, Ben Laden est mort, mais son fantôme demeurera omniprésent.
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