Edited by Drue Fergison
(New York) On comprendrait facilement Michelle Obama d’exprimer sa frustration devant les commentaires désobligeants dont l’abreuvent ses critiques conservateurs, au premier rang desquels figure Rush Limbaugh.
«Notre Première dame ne reflète pas l’image des femmes que vous aimeriez voir sur la couverture du numéro spécial «maillots de bain» de Sports Illustrated ou de la nouvelle femme avec laquelle (la star du baseball) Alex Rodriguez s’affiche tous les six mois», a déclaré l’influent animateur de radio en février 2011.
Il faut comprendre que, dans l’esprit de Limbaugh, Michelle Obama ne devrait pas mener une campagne contre l’obésité infantile parce qu’elle n’a pas la silhouette d’un mannequin de 20 ans. Un représentant républicain du Wisconsin a défendu à son tour cette idée tordue récemment.
«Elle nous fait la leçon sur la façon de bien manger alors qu’elle a elle-même un gros postérieur», a déclaré Jim Sensenbrenner.
Michelle Obama, qui s’entraîne religieusement et conserve un physique avantageux à la veille de ses 48 ans, aurait très bien pu se moquer publiquement de ces deux goujats bien gras. Mais elle a choisi de les ignorer, un traitement qu’elle réserve à leurs semblables depuis son entrée sur la scène nationale.
Aussi peut-on s’étonner de sa réaction négative à la sortie d’un nouveau livre sur le couple présidentiel, The Obamas, qui est loin de lui être antipathique.
«On a essayé, depuis le jour où Barack a annoncé [son intention de briguer la Maison-Blanche en 2008], de me dépeindre comme une femme noire en colère», a déploré Michelle Obama lors d’une entrevue diffusée sur CBS la semaine dernière, tout en précisant qu’elle n’avait pas lu l’ouvrage signé par la journaliste du New York Times Jodi Kantor.
«J’essaie juste d’être moi-même», a-t-elle ajouté.
La notion de la «femme noire en colère» est un stéréotype véhiculé sur les femmes de la communauté afro-américaine. Il est indéniable que des commentateurs conservateurs, dont Bill O’Reilly, ont tenté de l’appliquer à Michelle Obama lors de la campagne présidentielle de 2008.
«Plusieurs personnes m’appellent à la radio et me disent qu’elle semble être en colère. Et je dois dire qu’ils n’ont pas tort. Elle a l’air d’une femme en colère», a déclaré l’animateur de Fox News en septembre 2008.
Première dame influente
Mais le livre de Jodi Kantor, qui s’appuie sur des entretiens avec des dizaines de collaborateurs du président et des amis du couple Obama, n’est pas de la même eau. Le portrait que brosse la journaliste de Michelle Obama est celui d’une femme forte qui se bat pour défendre les idéaux de la campagne de 2008. Elle dénonce les compromis «indignes» et se porte même volontaire pour défendre la réforme du système de santé de son mari, proposition que refusera Rahm Emanuel, chef de cabinet de la Maison-Blanche, avec lequel elle aura une relation conflictuelle, selon Kantor.
À en croire la journaliste, la Première dame jouera néanmoins un rôle clé dans les changements de personnel à la Maison-Blanche qui suivront la défaite humiliante des démocrates lors d’une élection spéciale au Massachusetts pour le siège du sénateur Edward Kennedy en janvier 2010.
«Elle a l’impression que notre gouvernail n’est pas orienté dans la bonne direction», aurait déclaré le président Obama à des conseillers.
Dans son interview à CBS, la Première dame a rejeté «cette idée (qu’elle) assiste à des réunions, (qu’elle) participe à des conversations et à des conflits». Mais la raison de sa sortie contre le livre de Jodi Kantor se trouve peut-être ailleurs. The Obamas laisse entendre qu’elle n’a pas compris d’emblée la dimension historique de son rôle. Elle aurait même songé à reporter de six mois son arrivée à la Maison-Blanche avec ses filles, ce qui aurait provoqué un scandale.
«Humiliée»
Et même si, selon Kantor, Michelle Obama s’est ajustée au rôle de First Lady, elle aurait été profondément «insatisfaite», «frustrée» et même «humiliée» par les contraintes de sa vie et les limites de son influence au cours de ses deux premières années à la Maison-Blanche.
De là à dire que l’auteure de The Obamas a recyclé les stéréotypes sur la «femme noire en colère», il y a un pas que la Première dame n’aurait sans doute pas dû franchir. Car ses critiques ne demandaient pas mieux, comme l’illustre ce commentaire de Rush Limbaugh:
«Michelle Obama est fatiguée de son image de femme noire en colère. Elle en veut à une journaliste du New York Times qui lui a collé ce stéréotype. Imaginez ça. Elle est en colère contre quelqu’un qui l’a dépeinte comme étant en colère.»
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