Forty Years of Watergate

OPD 6/11 Edited by Laurence Bouvard

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Le 17 juin 1972, la police de Washington arrêtait cinq cambrioleurs dans les bureaux du Parti démocrate, à l’intérieur de l’immeuble du Watergate.

Ce soir, 40 ans plus tard, des dizaines d’invités triés sur le volet se joindront à Carl Bernstein, Bob Woodward et Ben Bradlee pour célébrer l’enquête la plus marquante de l’histoire du journalisme américain. La fête aura lieu dans les bureaux du Washington Post, un journal qui a malheureusement perdu de son lustre au cours des dernières années.

Quatre décennies ont passé depuis les premiers textes des journalistes Bernstein et Woodward, et d’autres enquêtes journalistiques ont ébranlé les colonnes du temple, mais le Watergate demeure unique dans l’imaginaire collectif, un véritable mythe.

«Aucune autre enquête n’a eu un tel impact dans la société américaine, observe Jon Marshall, auteur de Watergate’s Legacy and the Press, un essai paru l’an dernier et dont la préface est signée par Bob Woodward. Plusieurs institutions s’étaient intéressées à l’administration Nixon, mais les reporters du Washington Post – et ils étaient plus que deux à travailler sur ce dossier – ont poussé l’enquête encore plus loin.»

«À partir de ce moment-là, tout est devenu possible, poursuit Jon Marshall, joint au téléphone par La Presse. Le journalisme d’enquête a eu le vent dans les voiles durant toute la décennie des années 70.»

Il faut dire que le contexte social de ces années-là est favorable aux remises en question. La guerre du Vietnam fait en sorte qu’on confronte davantage l’autorité des décideurs. «On alloue beaucoup plus de ressources au journalisme d’enquête à cette époque, note Jon Marshall, qui enseigne le journalisme à la Medill Northwestern University, dans l’Illinois. On voit apparaître des magazines et des émissions de télé consacrées à l’enquête. C’est vraiment un âge d’or pour ce type de journalisme.»

Un âge d’or qui ne se poursuivra pas durant les années 80 et 90, où on assiste à un véritable retour de balancier à l’endroit des journalistes et de la presse.

Ce «backlash», Marshall l’explique de trois façons. «Premièrement, dit-il, après Nixon, les politiciens et l’entourage du président sont devenus beaucoup plus habiles dans leurs rapports avec la presse. Ensuite, parce qu’à partir de Reagan, la Maison-Blanche a réussi à dépeindre la classe journalistique sous un jour négatif, comme un groupe s’opposant à toute initiative en provenance du gouvernement. Enfin, la dernière raison qui explique un certain cynisme à l’endroit de la presse, c’est la surenchère à propos des scandales. On accole le suffixe gate à tout et n’importe quoi, à un point tel que le public commence à penser que les journalistes exagèrent et crient au scandale à la moindre occasion.»

Les années 90 auront en outre été marquées par une presse beaucoup plus sensationnaliste ainsi que par des émissions et des chaînes d’information qui misaient davantage sur l’émotion (des commentateurs qui crient fort) que l’enquête.

D’autres facteurs expliquent que l’enquête journalistique soit plus difficile à mener que par le passé: la situation financière des médias à la recherche d’un nouveau modèle d’affaires; les grandes entreprises propriétaires des médias en quête de rentabilité et de dividendes pour leurs actionnaires et enfin, le fait que les grandes sociétés aient embauché une armée d’avocats pour se défendre.

Est-ce que le peuple américain, qui a contribué à faire du Watergate un mythe, accorde encore une valeur à l’enquête journalistique? «C’est une bonne question, répond Jon Marshall. Je crois que le citoyen ordinaire, lorsqu’il est placé devant le résultat d’une enquête, reconnaît sa valeur. J’ai tendance à être optimiste. Je note que les journaux qui ont décidé d’imposer un abonnement payant comme le New York Times, le Wall Street Journal et The Economist sont des journaux qui font de l’enquête et les gens sont prêts à payer pour cela. Ce n’est peut-être pas la majorité des gens, mais il y en a suffisamment pour que les journalistes continuent à en faire.»

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