Barack Obama a reçu une autre mauvaise nouvelle économique la semaine dernière: la croissance américaine a progressé à un rythme encore plus lent que prévu au printemps. Le produit intérieur brut a été revu à la baisse, de 1,7% à 1,3% en rythme annualisé d’avril à juin, d’après une nouvelle estimation du département du Commerce.
Voilà le genre de données fondamentales qui n’augurent rien de bon pour la réélection d’un président. Les nouveaux chiffres de l’emploi aux États-Unis, qui seront annoncés vendredi, ne risquent guère de changer le portrait d’une économie peinant à décoller.
Et pourtant, Barack Obama continue de défier la gravité. Au cours des trois dernières semaines, il a pris son envol, creusant son avance sur Mitt Romney dans les sondages réalisés à la grandeur du pays ou dans les États-clés de l’élection présidentielle de 2012. Si le scrutin avait lieu aujourd’hui plutôt que le 6 novembre, il serait considéré comme le grand favori.
Heureusement pour le candidat républicain, il reste encore 36 jours de campagne. Les trois débats présidentiels – le premier aura lieu jeudi à l’Université de Denver – pourraient notamment lui permettre de reprendre la tête.
Cela dit, Barack Obama a de bonnes chances de devenir le premier président sortant à être réélu à la Maison-Blanche malgré un taux de chômage supérieur à 8%. En 1980, le taux de chômage était de 7,5% lorsque les électeurs américains ont montré la porte à Jimmy Carter.
Comment expliquer l’avance du candidat démocrate même si les principaux indicateurs économiques devraient annoncer sa défaite? La réponse tient en partie à Mitt Romney, bien sûr. L’ancien gouverneur du Massachusetts a non seulement du mal à établir un contact avec les électeurs, mais également à leur expliquer ses propositions pour relancer l’économie.
Il ne semble d’ailleurs pas avoir aidé sa cause en choisissant Paul Ryan comme colistier. Le représentant du Wisconsin propose un plan budgétaire qui prévoit notamment des changements importants au programme d’assurance santé Medicare pour les personnes âgées. Or, ces changements sont impopulaires auprès de cet électorat crucial et contribuent à l’avance de Barack Obama dans au moins trois États-clés – la Floride, l’Ohio et la Virginie -, selon un sondage réalisé pour le Washington Post et la Fondation de la famille Kaiser.
Et puis, il y a cette vidéo secrète dans laquelle Mitt Romney exprime du mépris, devant de riches donateurs, pour les 47% d’Américains qui ne paient pas d’impôts. Au cours des deux dernières semaines, le camp de Barack Obama a diffusé trois pubs dévastatrices exploitant les propos du candidat républicain sur ces «47%». «Je ne parviendrai jamais à les convaincre qu’ils devraient prendre leur vie en main et devenir responsables d’eux-mêmes», entend-on dire le candidat multimillionnaire dans la dernière de ces publicités, pendant que défilent à l’écran des images d’Américains ordinaires, notamment des anciens combattants et des travailleurs – hommes, femmes, Blancs, Noirs et Latinos -, qui ne gagnent pas assez d’argent pour avoir à payer l’impôt sur le revenu.
Mitt Romney ne se remettra peut-être jamais de ces pubs, mais Barack Obama avait commencé à accroître son avance sur son rival républicain avant même la diffusion de cette vidéo secrète par le mensuel Mother Jones.
À la suite de la convention du Parti démocrate, des sondages ont commencé à lui donner l’avantage en matière d’économie, un sujet dominé jusque-là par Romney.
Depuis ce temps, d’autres sondages ont également indiqué qu’une majorité d’électeurs ont été convaincus par l’un des arguments principaux défendus par Barack Obama et Bill Clinton lors de leurs discours à la convention démocrate: le rythme de la reprise est peut-être insatisfaisant, mais l’économie s’améliore ou s’améliorera si on donne plus de temps aux politiques du président pour l’obtention de résultats.
Il semble aussi que les électeurs portent sur l’économie de leur pays un jugement plus nuancé que plusieurs pontes de l’information. C’est du moins l’avis de Ron Brownstein, qui a pondu la semaine dernière une analyse fouillée des sondages réalisés pour le National Journal, dont voici un extrait-clé: «Plusieurs Américains ont l’impression que l’économie est en train de connaître des changements fondamentaux qui échappent au contrôle du président, quel qu’il soit, dans l’immédiat et peut-être pour toujours. Et même si certains répondants disent croire que l’élection de 2012 déterminera les chances qui s’offriront aux générations futures, plusieurs autres disent que les difficultés économiques du pays reflètent des problèmes s’étant accumulés au fil des années et qui ne sont pas susceptibles d’être réglés rapidement.»
D’où la patience que les électeurs semblent avoir envers Barack Obama.
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