C’est la religion qui grandit le plus vite dans le monde. Aux Etats-Unis, les mormons sont quelque 6 millions, dont un tiers dans l’Utah, Etat semi-désertique de l’ouest du pays. Secrète, aussi imposante que le sont ses temples, où nul ne peut pénétrer s’il n’est pas baptisé, l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des derniers jours a franchi en 2012 un nouveau pas dans la quête qui l’a fait passer en un siècle du statut de secte persécutée à celui de “minorité respectée par les puissants” : l’un des siens a été choisi pour figurer dans la course à la Maison Blanche.
Haut fonctionnaire français, Alain Gillette s’est trouvé par hasard à Salt Lake City, fief des mormons, dans le cadre d’une bourse d’échange scolaire en 1963-1964. Depuis, il n’a jamais cessé de s’intéresser à l’Eglise fondée par Joseph Smith, un paysan de 15 ans à qui Dieu apparut en 1820, dans l’Etat de New York. En 1969, M. Gillette a été reçu par George Romney, le père du candidat, alors ministre de l’urbanisme et du logement. En un demi-siècle, l’Eglise s’est modernisée, dit-il. Mais elle n’a pas fait son aggiornamento. Elle a accumulé les temples, elle a transformé son logo pour y faire apparaître le nom de Jésus-Christ en capitales. Mais fondamentalement, elle n’a jamais vraiment changé.
Les mormons se disent chrétiens à 97 % mais n’ont pas le même sens de la Trinité Père-Fils-Saint Esprit, qu’ils estiment composée de trois personnes distinctes. Ils croient en une “mère céleste” dite Dieu la mère, et pensent que l’une de leurs missions sur Terre est de sauver les âmes des morts. Ils croient que le Livre de Mormon a été confié par Dieu à Joseph Smith sur des tables d’or.
Les successeurs de Joseph Smith sont considérés comme des prophètes et continuent de recevoir des révélations. L’Eglise a renoncé à la polygamie en 1890 mais les estimations font encore état de quelque 30 000 à 50 000 mormons qui la pratiquent, souvent dans des sectes parallèles. Les fidèles ont gardé la psychose de la déchéance et de l’exclusion, héritage de l’exil historique vers l’Ouest puis le Mexique. Ils ont toujours de trois mois à un an de vivres avec eux.
Alain Gillette décrit une “théo/techno structure riche, puissante, huilée, efficace”. Le maillage de la communauté est très étroit et le contrôle social touche de nombreux aspects de la vie privée. Pendant le service du dimanche, les fidèles se livrent à des confessions ou des séances publiques d’autocritique. Pour entrer dans les temples, il faut un certificat de bonne conduite et être à jour des versements de la dîme. Les fidèles doivent s’abstenir d’alcool, de thé et de café, et porter un sous-vêtement liturgique censé les protéger de “tout mal physique ou moral”.
L’Eglise mormone, qui a en permanence 55 000 missionnaires dans le monde, est gérée comme une multinationale. Pour les fidèles, la réussite financière va de pair avec la foi. L’Eglise a acheté des centaines de noms de domaines et de sites afin de contrer les critiques. L’Eglise de Salt Lake City est patriarcale. Selon un sondage du Pew Research Center, 58 % des mormons déclarent que la vie conjugale idéale est celle où la femme reste au foyer (contre 30 % dans le public en général). On comprend mieux les réticences des femmes à l’égard de la candidature de Mitt Romney.
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