Action Against Standard and Poor's

Edited by Keturah Hetrick

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Jusqu’à présent, dans la foulée de la crise de 2008, la justice américaine avait préféré négocier à l’amiable une pénalité financière avec les « présidents-malfrats » de diverses sociétés, surtout des banques, à une exception : les agences de notation. Il y a quelques jours, une plainte en bonne et due forme a été déposée contre le poids lourd de l’industrie : Standard and Poor’s (S&P). Enfin !

En cette ère du tout informatique et de la culture du « en temps réel » ainsi induite, on s’attend à ce que les autorités réagissent dans la seconde qui suit l’impact d’un fait. On souligne cela pour mieux rappeler que, dans l’histoire qui nous occupe aujourd’hui, le procureur fédéral était confronté à un coefficient de difficulté à la hauteur des complexes équations mathématiques inhérentes aux credit default swaps, subprimes et autres véhicules financiers toxiques. Bref, le coefficient était extrêmement élevé et interdisait donc une réponse hâtive.

Les limiers du ministère de la Justice ont donc pris tout le temps qu’il fallait afin de confectionner un dossier d’autant mieux étoffé que c’est un secret de Polichinelle qu’Eric Holder, le procureur général, veut mettre S&P à genoux. Il est ainsi, Holder, parce qu’il considère, avec beaucoup d’autres d’ailleurs, que les faux calculateurs de S&P, Moody’s et Fitch sont les principaux responsables de la déchéance économique de 2008 et de ses échos toujours présents et socialement violents.

Toujours est-il qu’à la lecture des preuves avancées pour l’instant, et notamment les courriels échangés entre les cyniques de S&P, on constate que l’éthique et l’honnêteté la plus simple devaient être bazardées sans retenue aucune, la fin justifiant les moyens. Ainsi que l’écrivit un cadre supérieur dans une note adressée aux sceptiques, la fin s’appelle le bénéfice de la compagnie et pas nécessairement celui des clients qui, c’est à retenir, payaient S&P pour les évaluations que celle-ci faisait de leurs produits.

De tous les documents qui émaillent la plainte, un a retenu particulièrement l’attention tant il résume combien S&P a cultivé le mépris de la moindre convention. Dix-huit mois avant que la bulle immobilière éclate en 2008, un analyste prévient, sous la forme d’un pastiche de Burning down the House, la chanson du groupe The Talking Heads, que l’édifice construit à coups de subprimes va s’écrouler. D’autres le confirment et que fait l’un des patrons de S&P ? Il leur ordonne de « trafiquer » les paramètres des équations afin qu’ils soient au diapason de l’intérêt de la compagnie. Le client ? On s’en moque.

Résultat, le jour de la faillite de Lehman Brothers, soit le 15 septembre 2008, l’entreprise n’avait toujours pas été décotée. Ni Countrywide, énorme consommatrice de subprimes, ni Washington Mutual, qui elles aussi ont sombré, n’ont été alertées. L’énorme conglomérat d’assurances AIG jouissait du triple AAA avant… Le gouvernement a dû déposer 150 milliards dans la cagnotte de cette dernière afin de lui éviter la mort et surtout le risque systémique qu’elle aurait provoqué dans le monde entier.

Cela étant, il faut espérer que les États emboîteront le pas du gouvernement fédéral en portant plainte contre S&P. On pense notamment à l’État de New York, on sait qu’il y songe, car, en matière financière, il est le plus important de tous les États. Il faut espérer également que des sociétés flouées par l’escroquerie mathématique de S&P signeront elles aussi des poursuites. Quoi d’autre ? Aucun, on insiste aucun, acteur de la plus importante et violente déchéance économique depuis la crise de 1929 n’ayant été inquiété, il faut espérer que le faussaire en chef et ses complices croupiront en prison. Afin de méditer sur l’incroyable augmentation de la pauvreté aux États-Unis et en Europe dont ils sont en grande partie responsables.

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