(New York) La réponse du Service de la citoyenneté et de l’immigration des États-Unis est tombée dans la boîte aux lettres de Steven Eng et Neal Stone en janvier: la demande de carte verte déposée par Neal, citoyen canadien, et parrainée par Steven, son conjoint américain, était refusée. La raison invoquée? La loi fédérale dite de «défense du mariage».
Cette loi définit le mariage «seulement comme une union légale entre un homme et une femme». Ainsi, le mariage de Steven Eng et Neal Stone, contracté au Manitoba en 2009 et reconnu par l’État de New York depuis 2011, ne compte pas aux yeux du gouvernement américain. Et Neal Stone se retrouve aujourd’hui dans l’incapacité d’obtenir le statut de résident permanent des États-Unis en tant que conjoint d’un Américain, ce qui n’aurait posé aucun problème s’il avait épousé une Américaine.
Des circonstances favorables
La situation n’a rien pour plaire au couple, mais elle est loin de l’abattre.
«Je suis très optimiste», dit Steven Eng, acteur né au Texas il y a 41 ans, au cours d’une entrevue dans l’appartement du couple à Jackson Heights, un quartier de Queens.
«Il y a tellement de choses qui se produisent cette année», enchaîne Neal Stone, urbaniste de 40 ans originaire de la Saskatchewan.
Les deux hommes sont encouragés par deux circonstances susceptibles de transformer la vie de nombreux couples homosexuels aux États-Unis en 2013. Il y a d’abord la réforme du système de l’immigration, qui jouit en principe d’un rare appui bipartite à Washington. S’il n’en tient qu’à Barack Obama, la version finale de cette réforme permettra aux couples comme celui de Steven Eng et Neal Stone de jouir des mêmes droits d’immigration que les couples hétérosexuels.
«Le président croit depuis longtemps que les Américains vivant avec un partenaire étranger du même sexe ne devraient pas avoir à faire face au choix douloureux de rester avec la personne qu’ils aiment ou rester dans le pays qu’ils aiment», a déclaré le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney, le 29 janvier.
Neal Stone n’a pas à affronter dans l’immédiat la menace d’une expulsion. Mais il aimerait pouvoir planifier sa vie sans craindre d’avoir à vivre un jour une telle situation. Et il ne croit pas que son espoir sera sacrifié à la dernière minute pour convaincre certains élus conservateurs d’appuyer la réforme de l’immigration.
«Nous avons d’excellents défenseurs au Sénat et à la Chambre [des représentants] qui ne craignent pas de faire la promotion des droits des LGBT en matière d’immigration. Je pense qu’il y a une vraie bonne chance que nous ne soyons pas abandonnés», dit-il.
Mais si, d’aventure, le Congrès ne reconnaissait pas les droits d’immigration des couples du même sexe, la Cour suprême pourrait venir à la rescousse de Neal Stone et Steven Eng. Les 26 et 27 mars, les juges de la plus haute instance américaine se pencheront en effet sur la constitutionnalité de la loi dite de «défense du mariage» et de la Proposition 8, le référendum qui a interdit le mariage homosexuel en Californie.
La décision des juges risque évidemment de déborder largement le cadre des droits d’immigration des couples homosexuels. Elle pourrait en fait mener à la légalisation du mariage gai à l’échelle nationale, un verdict souhaité par l’administration Obama.
130 signataires
«Je pense que ça va arriver», dit Steven Eng. «L’opinion publique change à une vitesse incroyable. Même les républicains ne sont pas imperméables à ce changement. Nous avons soudainement un groupe important de membres de ce parti qui se disent en faveur du mariage gai.»
Steven Eng fait référence aux 130 signataires d’un document déposé jeudi dernier devant la Cour suprême pour réclamer la légalisation du mariage gai. Le texte, signé par d’anciens gouverneurs, des parlementaires et plusieurs membres de l’administration de George W. Bush, dit en partie: «Depuis que le Massachusetts et d’autres États ont fait du mariage civil entre personnes du même sexe une réalité, [les signataires], comme beaucoup d’Américains, ont réexaminé les faits et leur position et ont conclu qu’il n’y a pas de raison légitime ou basée sur des faits pour refuser aux couples homosexuels la même reconnaissance qu’aux couples hétérosexuels.»
Ce message finira peut-être par atteindre un jour le Service de la citoyenneté et de l’immigration des États-Unis. En attendant, Steven Eng et Neal Stone se croisent les doigts.
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