Obama the Smooth Talker

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Obama le beau parleur

Par une ironie dont l’Histoire a le secret, le Prix Nobel de la paix 2009 est devenu le président américain dont l’administration a systématisé le recours à l’assassinat sélectif des ennemis de l’État.

Barack Obama a lui-même autorisé des frappes, à l’autre bout du monde, sur des cibles inconscientes, parfois innocentes, au mépris de l’avis des premiers intéressés – Pakistan, Afghanistan, Yémen, États réputés « alliés » – et à l’aide de dispositifs ultramodernes dont le nom à lui seul est devenu tout un programme… Les « drones », ces terrifiants avions-chasseurs sans pilotes, téléguidés par des agents de la CIA sanglés devant leurs écrans, dans leurs bureaux climatisés du Midwest américain.

Venant s’ajouter à l’exécution extrajudiciaire de Ben Laden en mai 2011, et au scandale permanent de la prison de Guantánamo – sur lequel, au moins, Obama s’était positionné « contre » dès le début de sa présidence -, l’usage ultra-controversé des drones donnait, jeudi dernier, de la matière au président pour l’un de ces exposés théoriques dans lesquels, en sa qualité d’ancien juriste, il a toujours excellé.

Mais a-t-il convaincu ? Sa réflexion juridico-morale sur le bien-fondé de la « guerre au terrorisme » ou de l’assassinat sélectif, représente-t-elle un changement de politique des États-Unis d’Amérique ?

Rien n’est moins sûr.

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Obama n’a pas la morgue ignorante et satisfaite d’un George W. Bush qui, pétri de certitudes, ânonnait ses slogans sur la « guerre au terrorisme », octroyant aux États-Unis le droit d’aller frapper qui ils veulent, où ils veulent et quand ils veulent, sans qu’il soit question d’en discuter une seconde.

La « légitime défense préventive », qui affirme d’emblée qu’elle n’a pas à se justifier, sauf secrètement à elle-même, était déjà une atrocité conceptuelle. Un monstre issu de l’après-11-Septembre, à la base de toutes les dérives de cette horrible décennie : l’invasion de l’Irak sur de fausses prémisses, l’emprisonnement, sans procès et sans droits, de quelques vrais terroristes et de beaucoup d’innocents à Guantánamo… et puis, à partir de 2004, ces frappes sans pilotes et sans risques (pour l’attaquant), qui, à 10 000 kilomètres de distance, tuent le terroriste mais aussi, parfois, son fils ou sa mère qui passaient par là, ou encore un innocent visé pour cause de renseignements erronés.

Obama ne nie pas le dilemme moral, juridique, opérationnel. Il l’affirme même. En ce sens, intellectuellement, il est l’anti-Bush et aime qu’on le voie ainsi.

Pour la première fois, le président admet que si une technologie peut être « efficace et légale », cela ne signifie pas qu’elle est ipso facto « morale ou toujours indiquée ». Pour la première fois, il reconnaît que des innocents ont été tués par les drones (« Ils hanteront toujours notre conscience. »). Et qu’en matière d’image pour les États-Unis, ces bavures ont coûté très cher. Pour la première fois, il promet que les règles d’engagement pour les cibles de nationalité étrangère seront les mêmes que pour des cibles américaines (comme Anouar Al-Aoulaki, ce djihadiste qui détenait un passeport des États-Unis, abattu par un drone au Yémen en septembre 2011).

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Tout cela fait de la belle analyse, de la belle théorie et de la belle rhétorique. Mais que dit vraiment M. Obama ? Qu’il veut abolir le droit des États-Unis de décider par eux-mêmes qui sont les ennemis, les cibles et les moyens à utiliser ? Qu’il faudrait désormais se conformer au droit international, écouter l’ONU et les grandes ONG (qui ont dénoncé l’usage des drones) ? Pas du tout.

Il dit qu’il faut circonscrire ce droit, en faire un usage limité (… et de fait, les frappes de drones ont considérablement baissé depuis un an). On peut légiférer, mais dans un cadre strictement américain, pour donner au Congrès un certain droit de regard. Ou encore, ramener le contrôle des drones de la CIA au Pentagone. Fermer Guantánamo ? Mais je ne veux que ça…

Barack Obama ne croit pas, comme George W. Bush, au concept de « guerre perpétuelle au terrorisme ». Il n’a pas l’ardeur du croisé qu’avait ce dernier. Il reconnaît la complexité des questions, comprend le concept d’autolimitation. Mais jamais, jamais, il ne remet en cause le droit des États-Unis de jouer les arbitres, de décider du bien et du mal. Et – s’il le faut absolument – de se faire justice eux-mêmes aux quatre coins du monde.

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