The US Has Never Stopped Spying on France

Published in Le Monde
(France) on 25 October 2013
by Jacques Villain (link to originallink to original)
Translated from by Clare Durif. Edited by Gillian Palmer.
The cries of outrage coming from some European leaders, referring to the Americans as vile spies betraying their allies, are intriguing. Admittedly, it’s the least they could do while waiting for Europe to — maybe — establish a common position, even though they will find it difficult to take retaliatory measures. But that’s another story.

No, what is intriguing is the profound astonishment of these very leaders. There are two possible explanations: Either they haven’t studied the history of American-European relations since 1945, or they taking European citizens for a ride by showing such feigned indignation.

For, indeed, American espionage of Europe and the world is common knowledge. Moreover, it is not the first time that the press has echoed such schemes. Everybody knows that. For decades, the United States has been constantly conducting surveillance throughout the world and, in certain cases, has even used the Europeans to do it — the worldwide tapping network ECHELON being the most well-known example. The fact that the CIA hides microphones all over the place and recruits agents even within European governments is nothing new.

The journalist Vincent Nouzille provides an excellent account of this in his book, “Des secrets si bien gardés: Les dossiers de la Maison-Blanche et de la CIA sur la France et ses présidents 1958-1981” (Fayard, 2009). Here we learn that, from 1945 onward — particularly after General de Gaulle’s return to business in 1958 — the United States engaged in intense espionage activities against France, but also against numerous other countries in the world. French foreign policy and work on the atomic bomb were notable targets.

In February 1960, their planes took off from Libya in order to take samples from the radioactive cloud which was emitted during the first French nuclear test. During the 1960s, a military aircraft entered French airspace to take photographs of the Pierrelatte nuclear plant in the Rhone valley. In the face of French protests, the United States settled for expressing a few regrets.

The arrival of observation satellites and wiretapping from 1961 onward increased American intelligence capabilities. Satellites such as the KH-11, each costing $1.5 billion, were taking photographs with a resolution of 10cm. Magnum satellites were intercepting over 100 million communications per month. The haul recovered has even been displayed.

Everybody Is Spying on Everybody Else

In 1995, President Bill Clinton authorized the public disclosure of hundreds of photos taken by these satellites in France and elsewhere, without any shame or qualms. With a military space budget of $40 billion, of which over half is dedicated to intelligence, it is not surprising that the information picked up is overflowing.

Here is another example: One day, when I was in a meeting at the Pentagon, a Navy officer suddenly approached me and whispered, “The tests you just carried out on your M4 missile went perfectly.” The big American ears had worked well. My friend Vassily Michine, who was in charge of the Soviet lunar program, recently told me that American spies were everywhere in the USSR, even in the launch bunker of the Soviet lunar rocket in Baïkonour.

The KGB knew that one of the Russian technicians was a traitor helping the Americans but never succeeded in unmasking him. Confirmation came 30 years later, once the Cold War was over. As Michine was auctioning the diary he had kept daily during the 1960s at Sotheby’s in New York, a man who disappeared as quickly as he had appeared gave him a photo taken in the Baïkonour bunker by this Russian agent working for the U.S. Thirty years on and the CIA was still bragging. Fair enough.

Let’s not be naïve: Everybody is spying on everybody else. If we’re realistic and honest, each country is spying at the same time as they condemn it. Even if the Cold War has ended, it does not mean that we have entered a world of total appeasement. Yesterday, military and political espionage against the USSR prevailed. Today, it has become mainly economic and political, with several actors to monitor. France, through the intermediary of the DGSE, the French equivalent of the CIA, is taking part in this concert.

Today, the Americans condemn China’s cyberespionage activities and have no qualms in doing the same with the whole world. For my part, I spent 30 years of my life looking for and finding information about American nuclear weapons — which did not stop me from teaming up with the Americans to exchange information about Soviet missiles.

That the politicians are astonished is astonishing. That they protest is normal. In any case, there is one thing that we have known for a long time: The world is neither all black nor all white, and it is constantly at war. The only problem is that we no longer know how to tell our friends and enemies apart.


Les cris d'orfraie poussés par quelques dirigeants européens désignant les Américains comme de vils espions trahissant leurs alliés, interpellent. Oh, certes, c'est le moins qu'ils pouvaient faire en attendant, peut-être, une position commune de l'Europe, qui aura toutefois bien du mal à engager des mesures de rétorsion. Mais cela est une autre histoire.
Non, ce qui interpelle est la profonde stupeur de ces mêmes dirigeants. De deux choses l'une. Soit ils ne se sont pas penchés sur l'histoire des relations américano-européennes depuis 1945, soit ils se moquent des citoyens européens en affichant une indignation feinte.
Car en fait, l'espionnage américain sur l'Europe et le monde est de notoriété publique. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que la presse se fait l'écho de tels agissements. Tout le monde le sait. Depuis des décennies, les Etats-Unis exercent une surveillance constante du monde et, dans certains cas, font même appel aux Européens pour cela. Le réseau mondial d'écoute Echelon en est l'exemple le plus connu. Que l'Agence centrale de renseignement (CIA) pose des micros un peu partout et recrute des agents au sein même des gouvernements européens n'est pas nouveau.
Le journaliste Vincent Nouzille a très bien raconté tout cela dans son livre Des secrets si bien gardés – Les dossiers de la Maison-Blanche et de la CIA sur la France et ses présidents 1958-1981, (Fayard, 2009). On y apprend que, dès 1945, et plus particulièrement à partir du retour du général de Gaulle aux affaires en 1958, les Etats-Unis vont se livrer à d'intenses activités d'espionnage à l'encontre de la France mais aussi de nombreux autres pays dans le monde. Sont notamment espionnés la politique étrangère française et les travaux sur la bombe atomique.
En février 1960, leurs avions décollent de Libye pour faire des prélèvements dans le nuage radioactif émis lors du premier essai nucléaire français. Dans les années 1960, un avion militaire pénètre l'espace aérien français pour prendre des photos de l'usine nucléaire de Pierrelatte, dans la vallée du Rhône, et, face à la protestation française, les Etats-Unis se contenteront d'exprimer quelques regrets.
L'avènement des satellites d'observation et d'écoute électronique à partir de 1961 a accru les capacités américaines en matière de renseignement. Des satellites comme les KH-11, au prix unitaire de 1,5 milliard de dollars, prennent des photos avec une résolution de 10 cm. Les satellites Magnum interceptent plus de 100 millions de communications par mois. La manne récupérée est même exhibée.
TOUT LE MONDE ESPIONNE TOUT LE MONDE
En 1995, le président Bill Clinton donnait son autorisation à la révélation publique de centaines de photos prises par ces satellites en France ou ailleurs. Sans vergogne ni état d'âme. Avec un budget spatial militaire de 40 milliards de dollars dont plus de la moitié est consacrée au renseignement, il n'est pas étonnant que l'information récupérée déborde.
Autre exemple : un jour, alors que j'étais en réunion au Pentagone, un officier de la Navy s'est tout à coup dirigé vers moi pour me dire dans le creux de l'oreille : « L'essai que vous venez de réaliser de votre missile M4 a parfaitement marché. »Les grandes oreilles américaines avaient bien fonctionné. Mon ami Vassily Michine, qui fut le patron du programme lunaire soviétique, m'a raconté naguère que les espions américains étaient partout en URSS, même dans le bunker de lancement de la fusée lunaire soviétique à Baïkonour.
Le KGB savait que l'un des techniciens russes trahissait au profit des Américains mais n'a jamais pu le confondre. La confirmation allait arriver trente ans plus tard, la guerre froide terminée. Alors que Michine vendait aux enchères chez Sotheby's, à New York, le journal qu'il avait tenu quotidiennement dans les années 1960, un homme lui donna une photo de lui prise dans le bunker de Baïkonour par cet agent russe au service des Etats-Unis. L'homme disparut aussi vite qu'il était entré. Trente ans après, la CIA fanfaronnait. C'était de bonne guerre.
Ne soyons pas naïfs, tout le monde espionne tout le monde. Et, soyons réalistes et honnêtes, tous les pays font de l'espionnage tout en le condamnant. Si la guerre froide est terminée, ce n'est pas pour autant que nous sommes entrés dans un monde de parfait apaisement. Hier, l'espionnage militaire et politique contre l'URSS prévalait. Aujourd'hui, il est devenu essentiellement économique et politique, avec de nombreux acteurs à surveiller. Et la France, par direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) interposée, participe à ce concert.
Aujourd'hui, les Américains dénoncent les activités d'espionnage cybernétique des Chinois et ne se privent pas de faire la même chose avec le monde entier. Pour ma part, j'ai passé trente ans de ma vie à chercher et à récupérer des informations sur les armes nucléaires américaines, ce qui ne m'empêchait pas de m'acoquiner avec les Américains pour échanger des informations sur les missiles soviétiques.
Que les politiques s'en étonnent est étonnant. Qu'ils protestent est normal. En tout cas, il y a une chose que l'on sait depuis longtemps, c'est que le monde n'est ni tout blanc ni tout noir, et qu'il est perpétuellement en guerre. Le seul problème est que l'on ne sait plus différencier nos amis de nos ennemis.
Jacques Villain (Historien de la Conquête spatiale et de la dissuasion nucléaire)
This post appeared on the front page as a direct link to the original article with the above link .

Hot this week

Russia: Political Analyst Reveals the Real Reason behind US Tariffs*

Taiwan: Making America Great Again and Taiwan’s Crucial Choice

Topics

Taiwan: Making America Great Again and Taiwan’s Crucial Choice

Russia: Political Analyst Reveals the Real Reason behind US Tariffs*

Poland: Meloni in the White House. Has Trump Forgotten Poland?*

Germany: US Companies in Tariff Crisis: Planning Impossible, Price Increases Necessary

Japan: US Administration Losing Credibility 3 Months into Policy of Threats

Mauritius: Could Trump Be Leading the World into Recession?

India: World in Flux: India Must See Bigger Trade Picture

Related Articles

France: Donald Trump’s Dangerous Game with the Federal Reserve

France: Trump Yet To Make Progress on Ukraine

France: Tariffs: The Risk of Uncontrollable Escalation

France: Donald Trump’s Laborious Diplomatic Debut

France: Trump’s Greenland Obsession