La tournée de John Kerry au Moyen-Orient, un non événement
Par Khalifa Chater
Le secrétaire d’État américain John Kerry effectue un troisième voyage au Moyen Orient, afin « de relancer les négociations de paix israélo-palestiniennes », affirme le département d’Etat. En réalité, cette tournée de deux semaines, commencée par Istanbul, le 2 novembre, lui permettra de visiter le Moyen-Orient, le Maghreb, l’Europe et l’Asie du Sud Est. Dépassant le voyage rituel moyen-oriental, le secrétaire d’État revisite les relations des Etats-Unis affectées par des contentieux historiques (la cause palestinienne, le conflit saharien), les problèmes de l’heure (relations avec l’Egypte et l’Arabie), ou l’état des rapports internationaux (Europe et Asie du Sud Est). De ce point de vue, les enjeux du voyage concernent l’exercice habituel de la diplomatie américaine, à l’écoute des scènes internationales. La relance de la paix au Moyen-Orient, où les attentes d’une percée sont faibles, est une définition réductrice des objectifs de la tournée.
Un « rééquilibrage » des relations avec l’Egypte (3 novembre 2013)
Cette première visite de John Kerry, depuis la destitution du Président Morsi devait dissiper le malentendu et corriger le traitement américain du changement de régime. Les Etats-Unis avaient, en effet, suspendu partiellement leur aide militaire après la destitution de Morsi. L’Egypte affirmait désormais vouloir « élargir (ses) options » pour « servir (ses) intérêts nationaux », selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Badr Abdelaty. D’ailleurs, le ministre égyptien des Affaires étrangères Fahmy avait récemment qualifié de « tendues » les relations égypto-américaines. Lors de ses entretiens, le Secrétaire d’Etat a affirmé que l’Egypte était « le principal acteur dans le monde arabe » et que « les Etats-Unis sont déterminés à travailler avec les nouvelles autorités ». Dans ce contexte, le secrétaire d’Etat américain a tenu à affirmer que Washington, « ami » et « partenaire » de l’Egypte, « s’ (engageait) à travailler ensemble et à poursuivre (la) coopération avec le gouvernement par intérim », lors d’une conférence de presse au Caire aux côtés de son homologue égyptien Nabil Fahmy. Fait significatif, le Secrétaire d’Etat Kerry qui est arrivé au Caire à la veille du procès du chef d’Etat déposé, a évité d’intervenir sur la question, respectant l’indépendance égyptienne.
Arabie saoudite, l’affirmation de l’alliance (Riyad, 4-5 novembre)
L’Arabie saoudite, qui appuie la rébellion contre le président Bachar al-Assad, reproche aux Etats-Unis l’abandon par le Président Obama, en septembre, des frappes contre le régime syrien. D’autre part, elle s’inquiète également d’un éventuel rapprochement américano-iranien dont les monarchies arabes du Golfe feraient les frais, après l’élection du modéré Hassan Rohani comme président de l’Iran. John Kerry, a été dépêché en urgence à Ryad, après les plaintes des dirigeants du royaume pétrolier au cours des dernières semaines. Il eut des entretiens avec le ministre des Affaires étrangères et fut reçu, le 4 novembre, par le souverain. Kerry multiplia les déclarations rassurantes aux dirigeants saoudiens et a assuré au roi Abdallah que l’Iran « n’accèdera pas à l’arme nucléaire ».
Le rituel de la gestion de la cause palestinienne (6-8 novembre 2013)
Les entretiens avec les gouvernements israélien et palestinien ne furent d’aucun apport. Israël continue la colonisation territoriale. Refusant de satisfaire les conditions du dialogue, le gouvernement israélien a donné, la veille de la visite du Secrétaire d’Etat Kerry, le feu vert à la construction de 3.500 nouveaux logements dans des colonies de Cisjordanie et Jérusalem. Or, la poursuite de la colonisation avait entraîné la rupture des négociations il y a trois ans. Vœux pieux, John Kerry a déclaré à l’issue d’une rencontre avec le président palestinien Mahmoud Abbas à Bethléem, en Cisjordanie : « Nous considérons maintenant et avons toujours considéré que les colonies étaient illégitimes ». De fait, les USA semblent plus soucieux de gérer la question palestinienne que de la traiter. Continuant sa tournée, en Jordanie, jeudi 7 novembre, le secrétaire d’Etat américain John Kerry, a averti Israël qu’un échec des pourparlers de paix avec les Palestiniens pourrait conduire à davantage de violences dans la région.
« L’alternative à la reprise des pourparlers est le potentiel de chaos », a dit M. Kerry dans une interview diffusée jeudi soir par la deuxième chaîne israélienne et la télévision publique palestinienne. « Est-ce qu’Israël veut une troisième Intifada? », a-t-il ajouté. « Malgré les hauts et les bas propres à toute négociation, dit-il, ma mission n’est pas impossible». John Kerry tente ainsi d’apaiser chacun des deux camps pour continuer à avancer dans le processus de paix. Mais son optimisme diplomatique et sa stratégie de l’apaisement ne peuvent convaincre l’opinion publique palestinienne et à fortiori, ses dirigeants. Un sondage récent montre que 70 % des Palestiniens pensent que les négociations vont échouer. L’approche des USA n’a pas changé, dans la mesure où ils n’arrivent pas à faire valoir à Israël la nécessité de libérer les territoires occupés.
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