Google and Yahoo Against France

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Google et Yahoo contre la France

Par Claude Soula, Le blog de L’actualité des médias et du multimédiaCréé le 06-02-2014 à 13h58

Les relations entre la France, l’Europe et les géants de l’internet sont de plus en plus folles. Coté cinéma, le site de vidéos Netflix prépare son débarquement en France, en respectant apparemment les règles, et rendant des visites à l’Elysée. Tous les syndicats de producteurs de cinéma ont déjà mis une condition à cette arrivée : que Netflix établisse un siège en France, et qu’il y paye taxes para-fiscales et impôts.

Pour le moment, Netflix recrute son équipe française pour la mettre à Amsterdam. S’il respectait les lois françaises, ce serait une première ; car c’est un domaine où Google reste le grand méchant : cela fait des mois que la rumeur court sur un redressement fiscal que lui demanderait le gouvernement français à hauteur de 1 milliards d’euros, puisque le géant localise son chiffre d’affaire au niveau de son siège européen, en Irlande.

La position française est pourtant ambiguë : en décembre dernier, Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture, a boycotté une de ses manifestations, ce qui a le mérite de la cohérence, mais du coup Fleur Pellerin, ministre du Numérique, elle, est allée la remplacer et a fait des courbettes. Pourquoi donc ? Pire encore, France Télévisions, qui dépend du ministère de la Culture, fait un pied de nez à sa ministre en concoctant une opération pour les municipales, en partenariat avec Google.

Résumons : Google se moque de l’Etat français, mais Google sponsorise les élections municipales et une société publique s’affiche à ses cotés. La société préfère dépenser de l’argent en lobbying pour plaire aux élus, plutôt que pour le bien être des Français en assumant son rôle de contribuable. On ne peut qu’approuver Arnaud Montebourg quand il veut l’obliger à localiser en France le traitement des données provenant de France, ce qui donnerait une base légale à sa taxation… mais on s’étonne quand même : Fleur Pellerin, qui dépend hiérarchiquement de Montebourg, n’a rien dit. Et Montebourg lâche sa bombe avant une visite du président Hollande dans la Silicon Valley. Où est la cohérence ? Où est surtout la vraie volonté politique en dehors des moulinets de bras à visée médiatique ?

Et c’est pire au niveau européen. Bruxelles est incapable de réunir tous les gouvernements pour trouver comment taxer ces groupes allergiques à l’intérêt général. Le commissaire européen à la concurrence vient même de blanchir Google de toutes les plaintes qui le visaient ! Et Joaquin Almunia a eu l’audace d’expliquer que personne avant lui n’avait obtenu autant de concessions de la part du géant.

Expliquons : Google, qui dispose en Europe d’un monopole sur la recherche, en profite pour faire la promotion systématique de ses produits et pour éliminer les concurrents, en matière de comparaison de prix, de cartographie, et demain dans la vente de voyages et autres. L’Europe, plutôt que de le condamner, a simplement obtenu que Google fasse de la place à coté de ses propres liens, à ceux des autres compagnies… à condition qu’elles payent pour ça. L’Europe renonce ainsi à aider ses propres entreprises, pour favoriser les USA.

C’est une défaite en rase campagne pour Bruxelles, qui en plus, n’avait rien à perdre dans ce combat, puisque la plupart des emplois à valeur ajoutée de Google sont aux USA, ou en Suisse, et que ses impôts ne financent personne. Alors pourquoi lui faire ces courbettes ?

Son succès en la matière est d’ailleurs tel que Yahoo va l’imiter ! Cette société qui a un siège en France et pas mal d’emplois, vient d’annoncer qu’elle envoyait tout balader, pour mettre toutes ses activités françaises en Irlande. La société, qui a elle aussi subi un redressement fiscal, ne déclarait quasiment rien en France, mais ce sont des emplois perdus, et surtout, des données qui échappent au contrôle des internautes et des autorités françaises.

COMPLEMENT Rectificatif, ajouté le vendredi 07/02

C’est un démenti total du cabinet d’Arnaud Montebourg : non, le ministre du redressement productif n’a jamais voulu bouter Google hors de France, comme nous avons été nombreux à l’écrire hier. « On aurait du prendre la mesure de l’information plus vite et démentir plus vite » dit aujourd’hui un porte-parole du ministre, qui n’avait pas répondu hier à nos appels.

Tout est parti d’une info d’Europe 1, « Montebourg vent debout contre Google », qui affirmait que le ministre voulait rendre Google illégal en France, à moins que le géant n’accepte de domicilier les données numériques des français dans des serveurs français. En fait, Montebourg n’a pas pris la parole sur le sujet depuis février 2013, dans 20 minutes : « Il ne voulait pas chasser Google, mais il y expliquait qu’il faudrait obtenir des sociétés comme Google ou Facebook, qu’elles investissent dans des serveurs implantés en France, pour y effectuer le traitement des données concernant les Français » dit un de ses conseillers. Quelques semaines après cette interview, le ministre faisait capoter un accord entre Orange et Yahoo pour la reprise de Dailymotion. Le ministre connu pour ses positions made in France, mais également influencé par les idées de Pierre Bellanger ( qui vient de les publier dans « La souveraineté numérique », aux éditions Stock) s’était énervé de voir filer un des rares fleurons du net français sous bannière américaine.

Depuis cet épisode, qui ne lui avait pas fait que des amis, Montebourg a laissé sa ministre en charge du numérique Fleur Pellerin en charge de ces dossiers.

Il n’y aurait donc pas de guerre ou de fatwa lancée vers la Silicon valley, quelques jours seulement avant que François Hollande n’aille y faire un tour. Cela n’aurait pas étonné de la part de Montebourg…mais cela n’est pas le cas. Le ministre aura bientôt l’occasion de remonter au front si l’envie lui en prend : d’abord, quand on connaitra les conditions dans lesquelles Yahoo va transférer en Irlande ses activités françaises, ce qui devrait entrainer des suppressions de postes en France. Ensuite, quand on saura exactement comment Orange va régler le dossier de sa filiale Dailymotion : Son PDG Stéphane Richard a continué à chercher discrètement un repreneur pour le diffuseur de vidéos : il détient 100% du capital, mais il n’a jamais eu de stratégie clairement définie pour le développer, ni des moyens comparables à ceux de Google et Youtube. Un tour de table avec plusieurs acteurs du net américains devrait donc rapidement être en charge de Dailymotion, sans doute avec Microsoft en chef de file.

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