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Il est heureux que notre système repousse les contributions privées plutôt que d’en accroître l’importance

Depuis 2011, la commission Charbonneau nous expose comment certains donateurs influencent le processus décisionnel québécois. Depuis le début de l’enquête, les règles concernant le financement des partis politiques ont été resserrées. Aux États-Unis, il semble que le processus inverse soit en cours. Mercredi dernier, dans la cause McCutcheon contre FEC, la Cour suprême a rendu un jugement à 5 contre 4 éliminant les limites sur le montant des contributions électorales. Avant, un contributeur pouvait débourser 5200 $ par candidat jusqu’à concurrence de 48 600 $ par cycle électoral de deux ans. Depuis mercredi, un contributeur peut, s’il le veut, financer tous les candidats à la Chambre des représentants et au Sénat pour 5200 $ chacun, mais sans aucune limite ce qui fait monter la facture à 2 433 600 $ par cycle de deux ans. Cela s’applique également aux partis et aux comités d’action politique appuyant indirectement l’un ou l’autre des participants. Il est évident que cette décision permet aux donateurs ayant une fortune considérable de dépenser sans compter dans une campagne électorale. En 2012 par exemple, alors qu’il y avait des limites sur le financement, le magnat du jeu Sheldon Adelson a investi environ 60 millions de dollars dans la campagne de Mitt Romney, non sans en avoir auparavant dépensé 15 dans celle de Newt Gingrich pour l’investiture républicaine. On peut imaginer ce qui se passera en 2016 ou même lors des élections de mi-mandat en novembre 2014.

La décision de la Cour repose sur l’idée que les contributions financières à un candidat ou à un parti sont une manière d’exercer son droit de parole, droit garanti par le Premier amendement de la Constitution. Cela s’applique tant aux individus qu’aux organisations, pensons à n’importe quelle compagnie ou aux syndicats par exemple. Pour John Roberts, le juge en chef de la Cour suprême depuis 2005, cela s’inscrit dans un projet à long terme visant à orienter la société américaine dans le sens de ses convictions conservatrices.

Celui-ci n’est pas inquiété par les dépenses massives qui s’annoncent. Il affirme dans le jugement que, parce que les élus seront constamment sous la surveillance des médias et qu’ils voudront par conséquent maintenir une image d’intégrité, ceux-ci ne se laisseront pas, malgré leur gratitude, influencer par leurs généreux donateurs. Ces derniers, affirme Roberts, auront après tout investi pour influencer le résultat de l’élection, pas le processus décisionnel. Il est toutefois intéressant de noter que Sheldon Adelson tenait récemment son souper annuel pour les aspirants candidats à la Maison-Blanche. Au cours de ce souper, l’un des potentiels candidats, l’actuel gouverneur du New Jersey, pourtant connu pour ne jamais s’excuser, a utilisé l’expression « territoires occupés » en parlant de Gaza et du défi sécuritaire auquel fait face Israël. Il a jugé bon de s’excuser, car Adelson est un fervent sioniste pour qui l’expression « territoires occupés » est pratiquement une insulte à l’État hébreu, et son soutien est incontournable pour l’élection présidentielle de 2016. Même avant l’élection, sans avoir donné son appui à quiconque, Adelson a déjà de l’influence sur les potentiels candidats.

Ici, malgré une campagne électorale dont le ton et le contenu rappellent celles qui se déroulent au sud de la frontière, il est heureux que le financement du système électoral repousse les contributions privées plutôt que d’en accroître l’importance. Même si les contributions sont nettement plus modestes que celles ayant cours aux États-Unis, la commission Charbonneau nous montre que certains donateurs ont l’intention d’influencer le processus de prise de décision. Il faut malgré tout rester vigilant, car, comme le ton de la campagne le montre, il est très facile d’importer les pratiques de nos voisins américains.

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