25 Men, $21 Billion: The Bursting Financial Bubble

<--

Au nom du principe de précaution, on se doit d’introduire le sujet du jour comme suit : attention ! L’économie vient d’accoucher d’un autre abcès financier. Mais encore ? Les 25 patrons des principaux fonds spéculatifs américains ont empoché un revenu consolidé deux fois supérieur à celui perçu par tous les professeurs de maternelle des États-Unis. Vertigineux !

Au terme de l’année 2013, 25 individus, tous des hommes, ont récolté 21 milliards de dollars américains, soit une augmentation de 50 % sur 2012. Celui qui caracole en tête du championnat du phagocytage financier a gagné, si l’on peut dire les choses ainsi, 3,5 milliards. Il s’appelle David A. Tepper. En 2012, il avait grossi son portefeuille de 2,2 milliards ! Il est suivi de Steve Cohen avec 2,4 milliards et de John Paulson avec 2,3 milliards. En 2008, ce dernier avait fait les manchettes pour avoir « attaqué » le marché immobilier avant de se nourrir sur la bête grâce aux subventions accordées par les services publics.

En attendant qu’un alchimiste des équations financières nous décline tout ce que l’on peut acheter avec 3,5 milliards en un an, on retiendra que le rendement combiné des 25 fonds spéculatifs a été l’an dernier de 9 %, soit bien en dessous des 32 % du Standard Poor’s 500. Pire, la performance du simple et conservateur Fonds équilibré a été supérieure à celle des spéculateurs évoqués. C’est dire combien l’esbroufe est une des facettes de la profession. En effet, on ne soulignera jamais assez que leur métier consiste, pour reprendre les mots de Paul Krugman, chroniqueur au New York Times et Prix Nobel, à convaincre les gens qu’eux, les chefs d’orchestre de la spéculation, « sont en mesure d’anticiper l’opinion moyenne ou commune à partir de l’opinion moyenne ».

L’expansion de ce qu’il faut bien nommer les confettis économiques est le reflet, en partie évidemment, de la masse de liquidités en circulation dans les marchés aux quatre coins de la planète. La masse en question découle, elle, des injections effectuées par les banques centrales depuis la crise de 2008. Aujourd’hui, c’est à méditer, la part des liquidités portant l’empreinte des banques centrales totalise 25 % du PIB mondial contre 15 % en 2007 ! C’est à se demander si nous ne sommes pas enlisés dans une trappe des liquidités !

Mis à part les gestes posés par les banquiers centraux, les spéculateurs ont fait également leur miel des revers de fortune rencontrés par les pays émergents. Ces derniers ont capitalisé avec habileté, c’est une réalité, sur le déplacement d’une masse de capitaux de la Russie, de l’Argentine, du Brésil et de la Chine vers les États-Unis et l’Union européenne. Comme l’avait noté le sieur de La Palice, le malheur des uns a fait le bonheur des autres.

Cela étant, cette hausse prononcée de la richesse a eu une conséquence d’ores et déjà grave ou très pernicieuse selon Branko Milanovic, ancien chef économiste de la Banque mondiale et aujourd’hui professeur à l’Université de New York. Après étude du phénomène, Milanovic a jugé que « le risque ploutocratique est, à mon sens, quasiment à l’oeuvre aux États-Unis. L’autonomisation politique des riches y est une réalité : ils dictent “l’agenda politique”, financent les candidats et, du coup, s’assurent que les lois sont votées pour leur plus grand profit. » On notera que ce constat est au fond l’écho d’une longue analyse signée récemment par un professeur de Princeton et un autre de la Northwestern University, qui estiment que les États-Unis sont de plus en plus une oligarchie et de moins en moins une démocratie. Bref, un séparatisme social est dans nos murs, pour reprendre l’expression de sociologues. Et dire que depuis la déclinaison des inégalités faite tout aussi récemment par Thomas Piketty, Wall Street et autres poussent de hauts cris. Pitoyable !

About this publication