Offline

<--

Un an après la tempête soulevée par les révélations d’Edward Snowden sur la National Security Agency (NSA, l’agence américaine responsable de l’espionnage électronique), le torchon brûle de nouveau entre les États-Unis et l’Allemagne.

Deux agents du renseignement allemand ont été arrêtés récemment pour avoir fourni à la CIA, une autre agence américaine, des informations confidentielles sur les députés et les fonctionnaires qui s’intéressent au dossier… de l’espionnage pratiqué par les Américains dans leur pays.

Berlin songe maintenant à doter une partie de sa fonction publique de machines à écrire, comme les Russes l’ont fait dernièrement. La bonne vieille Remington Rand va-t-elle reprendre du service ?

Après l’arrestation des agents doubles, Berlin a expulsé le responsable du renseignement à l’ambassade américaine à Berlin. C’est du jamais vu. Les États-Unis et l’Allemagne entretiennent officiellement d’excellentes relations. Les deux sont membres de l’OTAN. On s’attend plutôt à ce genre de gestes quand la Chine ou la Russie sont impliquées. Et encore. Ces comportements étaient « normaux » pendant la guerre froide, mais cette dernière est censée avoir pris fin en 1991.

Les scoops attribuables à Edward Snowden ont commencé à paraître il y a un peu plus d’un an. Une première brouille s’est installée entre Berlin et Washington en juin 2013, quand on a appris que la NSA avait mis sur écoute les téléphones de plusieurs chefs d’État ou de gouvernement étrangers, dont Angela Merkel, pendant des années. Le scandale a fini par s’essouffler avec la promesse d’être plus gentil à l’avenir. Mardi, Barack Obama a dû téléphoner à la chancelière pour réparer les pots cassés à la suite du nouvel épisode d’espionnage.

Certains commentateurs, comme le journaliste James Kirchick du Daily Beast, considèrent que les États-Unis ont raison d’espionner l’Allemagne parce que cette dernière n’est pas au diapason avec les États-Unis dans des dossiers chauds comme l’Ukraine et les sanctions à imposer à la Russie, vu qu’elle fait beaucoup de commerce avec le pays de Vladimir Poutine, contrairement aux États-Unis. Autrement dit, on peut espionner les alliés quand ils osent faire preuve d’indépendance. C’est oublier qu’aux États-Unis mêmes, la CIA a fouillé, il y a quelques mois, dans les ordinateurs des sénateurs qui enquêtaient sur elle !

Il y a un cercle vicieux dans cette affaire : les Allemands sont particulièrement allergiques à l’espionnage, pour y avoir goûté sous deux régimes totalitaires, ils ne se gênent pas pour s’en plaindre et leurs élus prennent les choses au sérieux, avec cette conséquence que les espions américains veulent savoir ce qu’on sait sur eux. Et ça recommence… Le scénario rappelle un peu la bande dessinée minimaliste intitulée Spy vs Spy, qui paraît depuis des décennies dans le magazine satirique Mad.

Cette fois-ci, c’est la CIA qui est sur la sellette, alors que, depuis un an, on a surtout parlé des coups tordus de la NSA. Reparlons tout de même de cette dernière, puisque les révélations d’Edward Snowden, actuellement en exil en Russie, continuent. Les dernières informations publiées par le Washington Post indiquent que les neuf dixièmes des données (messages instantanés, courriels, dossiers, messages sur les réseaux sociaux, clavardage) interceptées par la NSA sont jugées sans intérêt par les professionnels du renseignement. C’est que l’agence procède à la façon d’un mégachalutier qui étend ses immenses filets et qui ramasse beaucoup de menu fretin.

Les lois de protection de la vie privée s’avèrent plutôt inefficaces contre les pratiques abusives des agences de renseignement, des sociétés de télécommunication qui coopèrent avec elles et de toutes les entreprises qui ont elles aussi soif de renseignements dont elles peuvent tirer profit.

Devant le phénomène, des cracks en informatique proposent des façons de protéger les données personnelles. Mais bonne chance : la NSA prend aussi dans ses filets toutes les personnes qui fréquentent des sites comme Tor (The Onion Router) et Tails (The Amnesic Incognito Live System), lesquels offrent des outils de cryptage aux citoyens qui ont assez d’être fichés par les Big Brothers gouvernementaux et privés.

About this publication