L’odyssée des enfants sans papiers
10 juillet 2014 |Claude Lévesque | États-Unis
Barack Obama a demandé au Congrès de lui accorder des fonds supplémentaires pour faire face à l’afflux d’immigrants sans papiers qui entrent sur le territoire américain en passant par le Mexique. Les milliards, s’il les obtient, serviront aussi bien à renforcer les contrôles aux frontières qu’à nourrir et soigner les sans-papiers, notamment les enfants, en attendant que la justice ait statué sur leur sort.
Ce sont de plus en plus souvent des enfants non accompagnés qui frappent à la porte de l’eldorado américain. Environ 50 000 d’entre eux ont été arrêtés à la frontière américano-mexicaine depuis octobre 2013. C’est deux fois plus que pendant la période correspondante un an auparavant. Ils viennent surtout du Salvador, du Guatemala et du Honduras, dont ils fuient la pauvreté et la violence, notamment celle des gangs de rues. Ils ont souvent des cousins aux États-Unis. Les parents les lanceraient dans ce voyage périlleux parce qu’une rumeur circulant en Amérique centrale veut que les demandes d’asile présentées par des mineurs soient presque toujours acceptées.
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Le débat fait rage chez nos voisins du Sud. Faut-il expulser tous les enfants entrés illégalement par la frontière mexicaine, comment cela doit-il se faire et avec quelle rapidité ? Les groupes de soutien aux immigrants s’opposent à une expulsion expéditive, tandis que la plupart des élus républicains, de même que bon nombre de démocrates, veulent qu’on envoie aux candidats à l’immigration clandestine un message de dissuasion fort, justement pour dissiper la rumeur voulant qu’on entre aux États-Unis comme dans un moulin.
Le nombre d’enfants traversant la frontière américano-mexicaine a considérablement augmenté depuis le printemps. Les autorités américaines ont été obligées d’en placer des centaines dans des bases militaires ou dans de grands entrepôts désaffectés. En Californie et ailleurs, des convois d’enfants ont été accueillis par des manifestants qui souhaitent qu’on refoule sans cérémonie toute cette marmaille dans le Sud.
Le gouverneur du Texas, Rick Perry, considère l’afflux d’enfants sans-papiers comme une menace à la sécurité nationale. Certes, ce politicien de droite a parlé de « crise humanitaire », à l’instar du président Obama, mais il prône le renvoi massif et rapide des enfants dans leur pays d’origine. Il dit craindre les épidémies et met en garde contre une infiltration de membres des cartels de la drogue. Certains des bambins ont à peine plus de trois ans.
La mouvance conservatrice reproche au gouvernement de Barack Obama d’avoir évolué vers une attitude plus accueillante envers les enfants non accompagnés. Les chiffres leur donneraient raison, selon le New York Times, qui n’est pourtant pas un journal anti-immigration. On refoule les enfants moins volontiers qu’avant. La réforme des lois sur l’immigration proposée par le président prévoit une procédure permettant aux sans-papiers de devenir citoyens et un accueil plus généreux pour les enfants débarquant au pays, en échange d’un renforcement de la frontière. Cette réforme est bloquée au Congrès.
L’Europe est aux prises avec un phénomène migratoire encore plus important et dramatique. Au moins 2600 migrants ont été secourus le week-end dernier au large des côtes siciliennes. On comptait parmi eux des femmes enceintes et des enfants. Depuis le début de l’année, quelque 63 000 migrants fuyant la guerre et la pauvreté ont gagné l’Italie depuis l’Afrique du Nord. Ce chiffre record dépasse les 62 000 enregistrés en 2011, l’année du printemps arabe. La plupart accostent sur l’île de Lampedusa. Depuis le milieu des années 1990, environ 20 000 migrants ont par ailleurs péri en mer.
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Amnistie internationale a dénoncé dans un rapport le fait que l’Europe se transforme en une forteresse qui n’accueille les nouveaux venus qu’au compte-gouttes. Cette fermeture à l’immigration régulière force les candidats à l’immigration à gagner le continent par des moyens clandestins et dangereux.
Les pays de la première ligne, notamment l’Italie, l’Espagne, la Grèce et Malte, se plaignent régulièrement auprès de leurs partenaires de l’UE de porter une trop grande partie du fardeau de l’immigration clandestine.
Même problématique aux antipodes. En Australie, où le gouvernement conservateur se targue d’avoir mis fin à l’arrivée d’embarcations chargées de migrants sans papiers, la garde côtière a forcé un bateau à retourner au Sri Lanka, d’où étaient parties une quarantaine de personnes en quête d’une vie meilleure et plus sûre que ce que ce pays difficilement sorti d’une longue guerre civile peut offrir. La procédure a été critiquée par la Cour suprême australienne, qui a interdit au gouvernement de refouler les quelque 150 personnes qui se trouvent à bord d’un deuxième bateau, à moins d’avoir étudié leurs demandes d’asile lors d’audiences dignes de ce nom.
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