Hillary Clinton prépare soigneusement sa candidature à l’investiture du Parti démocrate américain en vue de la présidentielle de novembre 2016. Son départ du gouvernement après la réélection de Barack Obama en 2012, la publication cette année de ses mémoires sur son travail comme secrétaire d’État, ses déclarations ambiguës concernant ses ambitions présidentielles sont autant d’indices qui laissent croire qu’elle annoncera sa candidature dans quelques mois.
Afin de se donner un maximum de chance de gagner, Hillary Clinton a besoin de montrer qu’elle ne dépend plus de personne. Au cours des dernières années, elle s’est détachée de l’ombre de l’autre Clinton, son mari Bill, plus grand que nature et toujours immensément populaire. Elle a son propre fan-club aux États-Unis et elle est devenue une véritable star sur la scène internationale. Elle a maintenant décidé de prendre ses distances avec Barack Obama, du moins au sujet de certains aspects de sa politique étrangère.
Dans un long entretien au mensuel The Atlantic, l’ancienne secrétaire d’État s’exprime essentiellement sur les questions moyen-orientales – Israël, le monde arabe, l’Iran – et l’usage de la force afin de peser sur les affaires du monde. Un aspect de l’entretien a retenu l’attention des médias et surtout des commentateurs conservateurs et il porte sur la trop grande prudence qu’afficherait le président lorsque vient le temps de s’engager militairement à l’étranger.
La Syrie est l’exemple cité par Hillary Clinton. Elle estime que le refus du président de soutenir l’opposition syrienne pour l’aider à s’organiser face au régime a ouvert la voie à l’émergence du groupe terroriste État islamique au Levant – maintenant connu comme l’État islamique (EI) -, qui menace aujourd’hui la stabilité de l’Irak, même si ce pays n’a jamais été stable depuis l’invasion de 2003.
Selon elle, cette attitude envers la question syrienne découle du principe énoncé par Obama qui veut qu’un grand pays doive « éviter de faire des choses stupides ». Elle pense plutôt que « les grandes nations ont besoin de principes directeurs, et que «ne pas faire des choses stupides», ce n’est pas un principe directeur ».
Hillary Clinton se trompe. Contrairement à ce qu’elle affirme, éviter de faire des choses stupides est un principe directeur de la diplomatie, comme elle aurait pu l’apprendre en se référant aux classiques du sujet, Bismarck et Kissinger, entre autres. Et ce n’est pas parce que des choses stupides ont été faites dans le passé qu’un grand pays est condamné à les répéter. Comme la guerre en Irak, par exemple, dont Hillary Clinton reconnaît qu’elle fut « réellement stupide » malgré le fait qu’elle en fut une partisane passionnée.
Si les propos d’Hillary Clinton ont choqué les partisans du président et ravi les va-t-en-guerre du parti républicain, ils ne rendent pas justice à l’ensemble des idées exprimées dans cet entretien et dont il vaut la peine de lire la transcription. L’ex-secrétaire d’État est bien plus en phase avec son ancien patron que le laisse supposer la polémique, et ses opinions sur l’Islam et la démocratie dans le monde arabe ont le mérite de distinguer entre le djihadisme radical et les partis islamiques soucieux de participer à la vie politique de leur pays.
Alors pourquoi cette petite phrase assassine contre la doctrine du président ? À l’évidence, elle veut montrer qu’elle peut être une dure, qu’elle sera à la hauteur lorsque de la Maison-Blanche fera face aux périls du monde. C’est une posture tout à fait légitime. Il faut toutefois espérer qu’à ce moment-là, elle ne fera pas de choses stupides.
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