Agir avec prudence
Irak, Syrie, Libye, Ukraine. Quatre crises politiques et militaires, quatre fronts où la complexité des situations rend délicate la recherche de solutions, quatre terrains où certains demandent aux États-Unis de prendre la tête d’interventions politiques ou militaires musclées. Mais Barack Obama refuse de céder et préfère évaluer correctement les conséquences avant d’agir.
Depuis six ans, le président américain rejette la solution de facilité qui consiste à frapper d’abord et à poser les questions après. Lors de son élection en 2008, il promet de rompre avec l’aventurisme de son prédécesseur et de mettre fin à la présence américaine en Afghanistan et en Irak. Promesses tenues.
Depuis, le président évite d’engager trop profondément son pays dans certains conflits et dose l’usage de la puissance militaire américaine. Ainsi, en 2011, il laisse aux Européens le soin d’assumer le leadership de l’intervention en Libye. Aujourd’hui, le pays est en plein chaos et, sans nul doute, cette situation doit conforter le président dans sa prudence à utiliser la force.
Devant les crises en Irak, en Syrie et en Ukraine, il analyse les racines de chaque conflit, prend en compte le contexte régional, soupèse les options qui s’offrent à lui et à ses alliés. Rien ne sert de se précipiter si c’est pour créer un désordre plus grand encore. On le voit dans sa gestion de la crise provoquée par l’État islamique en Irak, un groupe terroriste qui, par sa puissance, ses méthodes et ses objectifs, pose une certaine menace envers d’autres pays de la région.
Il apparaît qu’une des mesures pour affaiblir ce groupe est de le frapper en Irak comme en Syrie, d’où il est originaire. Washington a déjà mené des opérations militaires en Irak avec l’appui des forces irakiennes et kurdes et réussi à stopper l’avance des djihadistes sur Bagdad. Mais le bombardement des bases de l’EI en Syrie réclamé à cor et à cri par les républicains à Washington n’est pas encore d’actualité pour la bonne raison que le président cherche une stratégie globale vis-à-vis l’EI et les conflits sanglants en Irak et en Syrie.
Jeudi, en conférence de presse, il a implicitement rappelé aux excités de la guerre qu’on peut tout faire avec une baïonnette sauf s’asseoir dessus. «Je ne veux pas mettre la charrue avant les boeufs. Nous avons besoin d’un projet clair», a-t-il déclaré, promettant de consulter le Congrès et les alliés sur ce projet. Il a d’ailleurs dépêché le secrétaire d’État, John Kerry, au Proche-Orient afin de constituer une coalition pour lutter contre l’EI et examiner les options de paix en Irak et en Syrie.
Réalité fluide et changeante
Kerry a dans la poche le volet militaire du projet. Il lui reste à négocier un volet politique suffisamment attrayant pour rassembler une coalition très hétéroclite. Officiellement, la Turquie, l’Arabie saoudite, le Qatar, les Émirats arabes unis et l’Égypte, pour ne citer qu’eux, sont des alliés. Or, chacun mène son petit jeu au Proche-Orient et appuie en Irak et en Syrie des groupes et des camps aux objectifs divergents. Le Qatar et l’Arabie saoudite soutiennent des factions différentes en Syrie et sont à couteaux tirés sur la stratégie à suivre envers le Hamas ou les Frères musulmans.
Obama doit donc composer avec une réalité fluide et changeante. Il doit, au Proche-Orient comme en Ukraine, avancer à pas feutrés. Cette prudence ne doit pas être confondue avec de la faiblesse. Les États-Unis demeurent le seul pays à pouvoir intervenir massivement partout sur la planète, et cela, le monde en est conscient. D’où l’importance de bien réfléchir aux conséquences avant de passer aux actes.
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