(Québec) Avis aux intéressés. Hillary Clinton est de retour. À deux ans des élections à la présidence des États-Unis, la machine électorale de Madame tourne à plein régime. Quoi de plus normal? Dans la famille Clinton, l’argent, la célébrité, la charité, les amitiés et les trahisons convergent vers un seul but: la Maison-Blanche.
Tout l’été, Hillary Clinton a sillonné les États-Unis, entourée d’un battage publicitaire digne d’une tournée des Rolling Stones. Le discours officiel, c’était que Madame n’était pas candidate à la présidence. Elle faisait seulement la promotion d’un livre intitulé Le temps des décisions, sur ses quatre années à la tête de la diplomatie américaine.
Mais en coulisses, tout le monde comprenait le signal. La campagne électorale venait de commencer.
Très vite, l’adversaire républicain a mordu à l’hameçon. Le Comité national du parti républicain a même payé un homme déguisé en écureuil géant pour suivre la candidate, pas à pas, durant des jours. La mascotte portait un t-shirt sur lequel on pouvait lire: «Élire un autre Clinton à la Maison-Blanche? Ce serait complètement idiot!»
Hillary Clinton a fini par remettre un exemplaire de son livre à la mascotte. «Monsieur l’écureuil, j’espère que vous lirez mon livre», a-t-elle déclaré d’une voix théâtrale. L’écureuil est demeuré muet. Mais un porte-parole républicain a précisé que la bestiole allait ranger le livre dans sa bibliothèque, au rayon des ouvrages de «fiction».
D’une manière générale, le livre de Mme Clinton a été éreinté par la critique. Rien pour arranger les relations souvent très orageuses que la politicienne entretient avec les médias. Difficile d’oublier que Mme Clinton a déjà décrit le monde journalistique de Washington comme un ramassis «de gros ego dépourvus de cervelle».
Le New York Magazine s’est montré particulièrement cruel : «Le livre a bénéficié d’une campagne de promotion digne de Harry Potter. […] Malgré tout, la majorité des critiques n’ont pas été flatteuses. John Dickerson, du magazine Slate, a parlé au nom des quelques braves ayant réussi à lire le bouquin d’un couvert à l’autre. Il l’a comparé à une sorte de manger mou à faible teneur en sel, en gras et en calories.»
La conclusion du New York Magazine apparaît particulièrement assassine: «Aucun humain sain d’esprit ne pourrait jamais écrire un livre aussi volumineux, aussi soporifique, aussi prévisible et aussi banal, sauf s’il entend poser sa candidature à la présidence.»
Ouille. Quelques jours plus tard, lors du passage de Mme Clinton à l’émission humoristique The Daily Show, l’animateur Jon Stewart n’a pas mis de gants blancs, lui non plus. «Je pense que je parle au nom de tout le monde en disant: tout le monde se fiche de votre livre. Nous voulons seulement savoir si vous serez candidate?»
Plus tordu, l’animateur de l’émission The Colbert Report s’est amusé des bons mots et des remerciements qui parsèment le livre de Mme Clinton.
«On jurerait que vous connaissez le monde entier, a-t-il commencé. Il faut vraiment être un raté pour ne pas avoir droit à un court passage, dans votre livre.
– En passant, vous n’êtes pas mentionné dans mon livre», a répondu la politicienne, du tac au tac.
La gaffe
Avec le recul, la tournée estivale d’Hillary Clinton regroupait presque tous les ingrédients d’une vraie campagne présidentielle. Des foules de partisans enthousiastes, des discours en quantités industrielles, des célébrités un peu has been, comme Martha Stewart, des entrevues en série et même – oh surprise! – quelques gaffes spectaculaires. Bref, un cirque.
À la mi-juin, Mme Clinton a déclenché une petite tempête, en étalant les pseudo-tracas financiers du couple qu’elle forme avec l’ancien président Bill Clinton. «Bill et moi, en quittant la Maison-Blanche [en janvier 2001], nous étions fauchés et endettés, a-t-elle expliqué. Nous avons éprouvé de la difficulté à trouver les ressources pour payer nos hypothèques et payer l’éducation de notre fille Chelsea.»
Snif. Bien sûr, tout cela n’avait pas empêché le couple d’acquérir une maison évaluée à 1,7 million $, dans l’État de New York. Ni de conserver sa résidence évaluée à 2,8 millions $ dans le chic quartier des ambassades, à Washington. Plus ruiné que cela, tu en es réduit à allumer ton foyer avec des billets de 100 $, comme n’importe quel petit millionnaire minable.
Mais ne dévions pas du sujet. En plein été, alors que l’actualité politique se révèle plutôt maigre, la gaffe d’Hillary Clinton a fait les délices des médias. Ceux-ci se sont empressés de compiler les cachets empochés par les Clinton, pour prononcer des conférences à travers le monde. Entre 2001 et 2014, Bill Clinton a ainsi reçu 104,9 millions $. Un peu moins charmeuse, mais tout de même très populaire, Hillary Clinton a amassé plus de 16 millions $, depuis 2013. Environ 200 000 $ par discours.
Les adversaires républicains se sont amusés à détailler les nombreuses conditions imposées par la superstar Hillary, avant chaque déplacement. Citons seulement le jet privé et les suites présidentielles. «Un comble d’hypocrisie, a éructé le tonitruant animateur Rush Limbaugh, venant d’une politicienne qui ne cesse de dénoncer l’écart grandissant entre les riches et les pauvres.»
«Nos adversaires essayent de tirer toutes sortes de choses sur le mur pour voir ce qui va finir par coller, a répondu un porte-parole deMme Clinton. Mais ça ne marchera pas.»
La galaxie Clinton
Il faut dire qu’en matière de finances, la famille Clinton cache une belle collection de squelettes dans les placards. En particulier pour tout ce qui touche à la Fondation Bill, Hillary & Chelsea Clinton, qui revendique des actifs de 230 millions $. Personne ne conteste que l’organisation fasse le bien. C’est seulement que dans le monde merveilleux des Clinton, il devient parfois difficile de départager les revenus familiaux, les bonnes oeuvres, les activités de lobbying et les dépenses électorales.
«Les Clinton disent qu’ils ont l’intérêt public à coeur. Mais alors pourquoi les choses se terminent toujours par une montagne d’argent, quelles que soient les circonstances?» s’étonne la chroniqueuse Maureen Dowd, dans le New York Times. «Hillary Clinton ne voit aucune contradiction dans le fait de s’inquiéter de l’endettement étudiant tout en exigeant un cachet dans les six chiffres pour prononcer une allocution dans une université. Pas seulement une fois. Elle l’a fait au moins huit fois.»
On dit que la richesse et la célébrité permettent de se payer un lot d’ennemis de catégorie mondiale. Hillary Clinton n’y fait pas exception. Deux semaines après sa parution, son livre Le temps des décisions a été dépassé au palmarès des ventes par un pamphlet politique anti-Clinton, rédigé par son meilleur ennemi, Edward Klein.
Avec Klein, la chasse aux Clinton est ouverte à l’année, de préférence avec un bazooka. Ses livres constituent un savant mélange d’inventions, de ragots et de paranoïa à l’état pur. Dans son petit dernier, intitulé Querelle de sang : les Clinton contre les Obama, Hillary et Barack finissent par se taper dessus. «Ça fait vraiment mal», confie le président Obama, tout penaud, à sa femme Michelle.
Une première historique?
Peu importe. Les chiens aboient, la caravane passe.
Malgré les critiques, à deux ans de l’élection présidentielle, Hillary Clinton part largement favorite. À la fin août, elle détenait encore une confortable avance sur ses plus proches rivaux républicains, le gouverneur du New Jersey, Chris Christie et l’ancien gouverneur de la Floride Jeb Bush.
Apparemment, l’attrait d’une présidence féminine n’est pas négligeable. Selon un sondage Gallup du printemps dernier, 18 % des électeurs favorisent la candidature de Mme Clinton pour qu’une femme accède pour la première fois à la Maison-Blanche. Deux fois plus que ceux qui l’appuient à cause de sa feuille de route bien garnie.
Avant même que Madame ait annoncé officiellement sa candidature, une énorme machine électorale s’active déjà. L’organisation Ready for Hillary collige des listes de bénévoles et de militants. Priorities USA recueille des sommes considérables. Le groupe Correct the Numbers intervient même sur les réseaux sociaux pour corriger les déclarations injustes à propos de la candidate. Un mandat à peine moins ambitieux que les 12 travaux d’Hercule, il faut bien le préciser.
On dira que le scénario présente des airs de déjà-vu. En 2006, à deux de l’échéance présidentielle, Madame semblait aussi détenir une avance insurmontable. On connaît la suite. À la surprise générale, Hillary Clinton avait été battue par un Barack Obama plus charismatique et plus inspirant. Le rêve de voir une femme accéder à la présidence prenait fin dans l’amertume.
La «quasi-candidate» a-t-elle appris de ses erreurs? Signe des temps, elle a pris ses distances avec la politique étrangère jugée «trop prudente» du président Obama. «Le fait de ne pas poser de gestes stupides ne constitue pas une politique», a-t-elle déclaré en substance.
Mais cela ne signifie pas que Madame fasse preuve d’une audace excessive. Il lui a fallu trois semaines pour commenter les événements survenus dans la ville de Ferguson, au Missouri, après qu’un jeune Noir eut été abattu par un policier blanc.
Vrai que la route qui mène à la Maison-Blanche s’annonce particulièrement longue.
Selon un récent sondage, tous les candidats potentiels feraient pâle figure lors d’une élection qui les opposerait aux personnages fictifs de La guerre des étoiles.
Même le très méchant Darth Vader, celui-là même qui détruit une planète entière, écraserait Hillary Clinton à plate couture.
La guerre des étoiles, il n’y a rien de tel pour vous ramener sur terre.
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En dates
1947: naissance à Chicago
1973: diplômée de la prestigieuse école de droit de l’Université de Yale
1975: mariage avec Bill Clinton, qui sera élu gouverneur de l’Arkansas, en 1979.
1980: naissance de Chelsea, qui sera tenue à l’écart des activités politiques de ses parents, avant sa majorité.
1993: Bill Clinton devient le 42e président des États-Unis. À titre de première dame, Hillary Clinton pilote une réforme de la santé controversée, qui doit être abandonnée en 1994.
2001 à 2009: sénatrice de l’État de New York
2008: défaite par Barack Obama, lors des primaires servant à choisir le candidat démocrate aux élections présidentielles.
2009 à 2013: secrétaire d’État des États-Unis
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Êtes-vous un «Clintonite»?
Le questionnaire qui met à l’épreuve vos connaissances sur l’univers de la famille Clinton.
>> 1 En mars 2014, combien d’Américains admettaient qu’ils ne voteraient jamais pour une femme à la présidence des États-Unis?
a) 38 % b) 4 % c) 16 % d) 20 %
>> 2 Un peu avant la sortie du dernier livre d’Hillary Clinton, Le temps des décisions, qui raconte ses quatre années passées à la tête de la diplomatie américaine, le Washington Post avait invité ses lecteurs à faire des suggestions de titres. Parmi les propositions reçues, laquelle Mme Clinton préférait-elle?
a) «Les chroniques de l’élastique à cheveux: 112 pays visités, et on parle encore de ma coiffure!»
b) «La diplomatie, c’est l’art de dire: “Bon chien, bon chien”, jusqu’à ce que tu trouves un bâton.»
c) «La diplomatie, c’est l’art de faire durer les carreaux de céramiques fêlés.»
d) «Il faudrait déclarer la guerre à un petit pays. On asphalterait tout le pays pour le transformer en stationnement, on peindrait les cases de stationnement et on rentrerait à temps pour Noël.»
>> 3 Vrai ou faux? En 2011, la chaîne NBC a causé un petit scandale en offrant un salaire de 300 000 $ par année à Chelsea Clinton, la fille de Bill et de Hillary, pour un poste de «correspondante spéciale», une sorte de poste à temps partiel.
>> 4 Depuis le mois de janvier 1981, combien d’années les États-Unis ont-ils eu au moins un membre des familles Bush et Clinton comme président, comme vice-président ou comme secrétaire d’État?
a) 32 ans b) 17 ans c) 23 ans d) 34 ans
>> 5 En 1999, les journalistes américains ont classé le scandale sexuel impliquant Bill Clinton et Monica Lewinsky, une stagiaire de la Maison-Blanche, au 53e rang sur une liste des histoires les plus significatives du XXe siècle. En apprenant la nouvelle, qu’est-ce que le président Bill Clinton s’était exclamé?
a) «Parfois, je me sens comme la borne-fontaine entourée de chiens.»
b) «Je n’ai jamais pu déterminer si la Maison-Blanche constituait la plus belle résidence des États-Unis, ou le joyau du système pénal américain.»
c) «Être président, c’est comme diriger un cimetière. Il y a beaucoup de gens en dessous de vous, mais personne ne vous écoute.»
d) «Bon sang, mais qu’est-ce qu’un homme doit faire pour trouver une place dans les 50 premiers?»
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Réponses: 1. b) Source : Gallup. 2. a) 3. Faux. Chelsea Clinton recevait un salaire de 600 000 $ par année. 4. a) Depuis janvier 2013, pour la première fois depuis janvier 1981, aucun membre des familles Bush ou Clinton n’occupe le poste de président, de vice-président de secrétaire d’État. 5. d).
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