NBC News Credibility at Stake

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La crédibilité en jeu au téléjournal de NBC

Le présentateur de nouvelles personnifie encore l’éthique et la validité de l’information

Le réseau américain NBC vient de suspendre son présentateur Brian Williams après que celui-ci eut raconté de manière erronée un incident qui remonte à la guerre en Irak. Au-delà de cet incident banal, c’est l’enjeu de l’éthique journalistique et de la crédibilité de l’institution qu’est le téléjournal qui se pose. Même si les temps changent, le présentateur de nouvelles de soirée reste le symbole d’une information fiable et crédible.

Le 24 mars 2003, la guerre en Irak est dans sa première semaine. Une formation de trois hélicoptères Chinook Ch-47 se dirige vers la ligne de front avec une cargaison de pièces de rechange. En raison d’une tempête de sable, la formation est obligée de dévier légèrement de son plan de vol initial avant d’être prise pour cible par l’ennemi. Un des hélicoptères a été touché par des tirs de lance-roquettes et d’armes légères AK-47, mais a réussi à atterrir tant bien que mal selon le journal Stars and Stripes publié une semaine plus tard.

L’équipe de NBC avec Brian Williams accompagne alors une autre unité dans un autre convoi d’hélicoptères. Ce convoi n’a pas été visé par des tirs, mais doit se poser au même endroit à cause de la tempête de sable. C’est là que l’équipe de NBC a pu rejoindre l’équipage attaqué environ une heure après l’incident et a pris les images de l’hélicoptère endommagé.

Dans le reportage réalisé par NBC le 26 mars 2003 avec la mention « exclusif », Williams explique au présentateur vedette Tom Brokaw son périple dans un convoi de quatre hélicoptères tout en précisant qu’ils ont appris que le Chinook en avant d’eux a failli exploser dans le ciel, mais qu’il a pu atterrir car la roquette a transpercé le fuselage sans exploser.

La mémoire ou l’éthique défaillante?

Plus tard, l’histoire s’est progressivement embellie pour culminer vers l’énorme scandale qui secoue la crédibilité de NBC. En 2008, Williams a relaté dans un blogue que c’est un hélicoptère en avant de lui qui a été touché, mais que les quatre hélicoptères, dont le sien avaient, été pris pour cible et forcés d’atterrir. En 2013, Williams a raconté à l’animateur David Letterman que deux des quatre hélicoptères, y compris celui qui le transportait, avaient subi des tirs. Il a indiqué que le groupe n’avait eu la vie sauve que grâce à l’intervention d’une unité blindée de la 3e division d’infanterie qui a assuré leur protection dans le désert où ils ont passé trois jours et deux nuits.

Le 30 janvier 2015, au téléjournal de NBC, Williams raconte qu’il a invité le sergent-major Tim Terpak à assister à un match de hockey entre les Rangers de New York et les Canadiens de Montréal. Le soldat venait de prendre sa retraite après 24 ans de service dans l’armée américaine. Williams explique que Terpak a été chargé de sa sécurité lors de l’incident et qu’il a gardé un lien avec le soldat, les deux étant originaires du New Jersey. On voit les images de Williams et Terpak qui s’enlacent sous l’ovation de la foule au Madison Square Garden. L’annonceur maison raconte qu’il y a 12 ans, l’hélicoptère des deux hommes a essuyé des tirs ennemis.

Correction des faits

Après avoir vu le reportage de NBC sur Facebook, Christopher Simeone, le pilote de l’hélicoptère de Williams, a réagi dans un commentaire traitant le présentateur de menteur. C’est le début du calvaire pour Williams. Le 4 février 2015, le présentateur est forcé d’admettre en direct qu’il a commis une erreur en voulant honorer un vétéran et présente ses excuses. L’histoire est rapportée dans le monde entier écorchant sérieusement la crédibilité de Williams et de NBC. Les médias parlent d’autres faits impliquant Williams qui seraient mensongers notamment au moment des événements de l’ouragan Katrina en 2005. Après que Williams eut annoncé qu’il se retirait des ondes pour quelques jours, NBC annonce finalement sa suspension pour six mois sans solde. Pour mieux comprendre cet épisode, il faut le replacer dans l’émergence du présentateur de nouvelles qui personnifie l’éthique et la crédibilité de l’information.

La figure de confiance

L’histoire de la crédibilité au téléjournal commence avec le pionnier Walter Cronkite sur CBS en 1962. Il a tenu en haleine l’Amérique avec un respect inégalé dans les années 1960-1970. Il était connu comme l’« homme le plus cru en Amérique ». Dans sa lignée, le trio Peter Jennings (ABC)-Tom Brokaw (NBC)-Dan Rather (CBS) a fait les beaux jours des téléjournaux sous le signe de la crédibilité, du début des années 1980 au début des années 2000. La figure du présentateur sérieux et solennel a essaimé au Canada et ailleurs avec entre autres Bernard Derome (Radio-Canada) au Québec ; Knowlton Nash et Peter Mansbridge (CBC) ainsi que Llyod Robertson (CTV) au Canada anglais.

Après avoir remplacé Tom Brokaw en 2004, Brian Williams était le présentateur traditionnel qui incarne la stabilité et la crédibilité du téléjournal de NBC. Il a souvent remporté la course à l’auditoire avec d’excellentes cotes d’écoute dans un marché très concurrentiel. Avec la crise actuelle des médias, les réseaux américains et canadiens sont à se redéfinir et essaient de nouvelles formules de présentation des nouvelles de soirée pour freiner l’effritement continu des parts de marché et rejoindre un public plus jeune. Le départ de Williams ouvre peut-être une période d’instabilité pour NBC qui devra trouver l’équilibre entre la crédibilité et la flexibilité au téléjournal.

Si la tendance des critiques se maintient, Brian Williams pourrait ne plus retrouver son siège au téléjournal. La respectabilité de l’information reste encore tributaire de l’éthique journalistique et de la tradition de crédibilité des présentateurs de nouvelles. Entre l’erreur pardonnable d’un journaliste et la réputation du réseau, NBC risque de vouloir préserver sa crédibilité.

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