La candidature d’Hillary Clinton en questions
Hillary Clinton annonce sa candidature à la présidence aujourd’hui. Voici mes réponses à quelques questions que plusieurs se posent. Et contrairement aux politiciens, je réponds oui ou non.
Mais avant de lire mes réponses à vos questions, prenez deux petites minutes pour regarder la vidéo de déclenchement de la campagne Clinton 2016. C’est le printemps, alors que les gens se préparent à faire toutes sortes de choses. Hillary Clinton part en campagne pour la présidence.
1. Hillary Clinton gagnera-t-elle la nomination démocrate?
Oui. Hillary Clinton va gagner et elle sera la candidate démocrate en novembre 2016. Bien sûr, c’est aussi ce qu’on disait à pareille date en 2007. Alors, qu’est-ce qui permet d’être si catégorique cette fois-ci? Premièrement, l’avance dans les sondages parmi les sympathisants démocrates est beaucoup plus importante qu’elle ne l’était alors. Au printemps 2007, l’avance d’Hillary Clinton sur un jeune et relativement inconnu sénateur de l’Illinois au nom exotique n’était que de 10 à 15 points de pourcentage. Les appuis de l’ancienne première dame oscillaient autour de 35% (surtout chez les démocrates plus âgés) et ceux de Barack Obama étaient estimés à 20-25% (il dominait chez les plus jeunes). Il y avait beaucoup d’indécis.
Aujourd’hui, tous les sondages récents donnent Hillary Clinton gagnante contre ses principaux adversaires déclarés ou potentiels et lui accordent plus de 60% des appuis. Sans enlever de mérites à Martin O’Malley, Jim Webb et Lincoln Chafee, aucun d’entre eux ne pourrait se gagner autant d’appui chez les jeunes ou tout autre groupe pour gruger suffisamment l’avance de Clinton pour gagner.
Mais les sondages ne suffisent pas. Deux autres indicateurs doivent être considérés : l’argent et les appuis internes. Pour ce qui est de l’argent, Hillary Clinton est à peu près au même point qu’en 2007, mais aucun de ses adversaires n’a une machine prête à lui faire concurrence dans les mois qui viennent, alors qu’elle fera le plein pour financer sa campagne primaire. L’étendue de son réseau et ses contacts déjà bien établis avec les grands bailleurs de fonds lui permettront d’éviter de passer trop de son précieux temps de campagne dans des assemblées fermées avec de riches contributeurs plutôt qu’avec des électeurs ordinaires. Ce sera tout à son avantage.
Pour ce qui est des appuis internes, qui sont habituellement le meilleur indicateur avancé des chances de gagner dans une course à la chefferie ou dans une primaire américaine, l’avance d’Hillary Clinton est sans commune mesure avec sa dernière campagne. À pareille date en 2007, elle avait reçu l’appui d’un seul sénateur. Aujourd’hui, elle a déjà reçu l’appui public de 27 des 44 sénateurs démocrates : c’est un niveau d’appui sans précédent pour un candidat ou une candidate qui n’est pas déjà président.
À moins d’une catastrophe ou d’une révélation aux conséquences cataclysmiques sur elle ou sur son mari, Hillary Clinton sera la candidate démocrate en 2016. Si vous voulez parier sur quelqu’un d’autre, vous savez où me rejoindre.
2. Est-ce que les démocrates auront plus de chances de gagner avec Hillary Clinton qu’avec un autre candidat?
Non, pas vraiment. Dans les prochains jours, on entendra beaucoup de commentateurs dire ou écrire que la candidature de Clinton donne une longueur d’avance aux démocrates dans la course pour 2016. Mais dans les faits, l’identité du candidat ou de la candidate ne change pas grand-chose aux résultats des élections présidentielles. On dira ce qu’on voudra de la longueur et des coûts énormes du cycle des élections primaires, mais ce processus de sélection a deux grands mérites pour les partis politiques. D’abord, les candidats qui en sortent gagnants ne peuvent être que des politiciens habiles et des « campaigners » très efficaces. Ensuite, la longueur et l’intensité de ce processus de sélection a l’avantage de pouvoir transformer de relatifs inconnus en vedettes et en champions de leur parti.
3. Mais les sondages actuels donnent Hillary Clinton largement gagnante contre tous les candidats républicains potentiels, ce qui n’est pas le cas pour les autres démocrates. Alors c’est dans la poche pour elle, non?
Non. Il est vrai que presque tous les sondages qui mettent en présence Hillary Clinton contre tous les autres candidats républicains la donnent gagnante par une marge confortable. Un seul sondage, réalisé pour le compte de Fox News en mars, met Clinton nez à nez avec Jeb Bush. (On peut en consulter un échantillon de sondages ici). C’est un sujet sur lequel les politologues jouent souvent le rôle d’éteignoir dans les discussions pendant une année préélectorale aux États-Unis. Malgré toute l’attention qu’on porte aux sondages qui opposent les candidats potentiels, la corrélation entre les résultats des élections présidentielles et les résultats de sondages menés un an et demi à l’avance est à toutes fins pratiques nulle. Autrement dit, on peut prédire le résultat tout aussi bien en tirant à pile ou face. J’aurai l’occasion d’écrire dans l’avenir sur les modèles de prédiction des élections américaines, mais je me contenterai de dire ici que les sondages de ce genre n’en font pas partie.
4. On dit que l’absence d’opposition sérieuse dans la campagne démocrate nuira à Hillary Clinton et réduira ses chances de gagner en 2016. Est-ce vrai?
Non. En fait, si la marge de victoire peut faire une petite différence, ce serait plutôt un avantage (marginal) pour la meneuse. Certains commentateurs disent que l’absence d’opposition sérieuse dans le cycle des primaires pourrait amener la candidate à « rouiller » et qu’elle serait moins bien préparée à faire face à la musique à l’automne 2016. Ce genre d’analyse permet de raconter une bonne histoire, mais ne trouve aucun appui dans les faits. Au contraire, depuis que les partis américains font appel à l’électorat pour choisir leur candidat, on trouve une corrélation positive et significative entre la part d’appuis électoraux qu’ils reçoivent dans leur propre parti et leur performance à l’élection générale. En fait, un des chercheurs qui ont créé une petite industrie de la prévision électorale aux États-Unis, Helmut Norpothmaintient que la performance aux primaires est le meilleur prédicteur du succès à l’élection générale. Quant à savoir si Madame Clinton pourrait « rouiller », cela semble peu probable. Si elle n’a pas d’opposition parmi les candidats aux primaires, les médias ne se gêneront pas pour remplir ce rôle et la tenir sur ses gardes. Peut-être trouverait-on un exemple de ce genre de phénomène au Québec si on se donnait la peine de chercher un peu.
5. Hillary Clinton porte beaucoup de bagage, y compris le récent scandale soulevé par son utilisation d’un compte de courriel privé. Tout ça finira par la couler, non?
Non, pas vraiment. J’en ai déjà parlé dans ma première chronique au journal. Les appuis à Clinton n’ont pas vraiment été affectés de façon significative par cette affaire et tout le bagage passé qu’elle transporte fait déjà partie de l’opinion que les électeurs se font d’elle.
6. C’est tout?
Bien sûr que non. Parmi les autres questions qu’on pourrait se poser est de savoir si le fait qu’elle est une femme fera la différence (je ne crois pas), entre autres. On n’a donc pas fini de parler d’Hillary Clinton. Qu’on l’aime ou non, c’est tout un phénomène politique.
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