Tout comme les ventes de pétrole, les ventes d’armes jouent un rôle prépondérant dans les orientations politiques des grandes puissances au Moyen-Orient. Ces ventes influent grandement sur leur position respective dans cette région du monde et expliquent certains de leurs réalignements de l’heure.
De 1965 à 1989, les achats d’armes se faisaient dans le contexte de la « guerre froide », les États-Unis voulaient protéger les pays pétroliers et l’URSS cherchait à cerner et à déstabiliser ces derniers. Les principaux acheteurs d’armes furent l’Irak (93 milliards de dollars), l’Arabie saoudite (62 milliards), l’Iran (51 milliards), la Syrie (46 milliards). Lors de la guerre du Golfe, les frappes américaines s’avérèrent d’une telle efficacité chirurgicale que les acheteurs d’armes se désintéressèrent momentanément de toute acquisition d’armes soviétiques. Or, l’ampleur du marché des ventes d’armes est stupéfiante : les pays non industrialisés dépensent trois fois plus en armement que les pays industrialisés bien qu’en matière d’entretien l’infrastructure technologique soit souvent défaillante. Ainsi, les achats d’armes considérables de la Libye au cours des dernières décennies (près de 50 milliards) n’ont pas pu servir durant la révolte qui a mis fin au régime de Kadhafi. Aujourd’hui, ces armes se trouvent aux mains des milices radicales et sont mises en vente au marché noir.
Le marché iranien
À la suite du démantèlement de l’Union soviétique, l’alignement des pays de l’Europe de l’Est sur l’Union européenne et l’OTAN a grandement frustré la Russie. En outre, aux yeux des Russes, l’intervention de l’OTAN en Libye leur a fait perdre un marché lucratif de plusieurs milliards. C’est la raison pour laquelle la Russie s’accroche aux ventes d’armes à l’Iran qui finance également les achats d’armes de la Syrie. Depuis 1995, 70 % des armements iraniens proviennent de la Russie. Le maintien du statu quo en Syrie garantit à la Russie le monopole des marchés syriens et iraniens.
De son côté, profitant des sanctions économiques internationales imposées à l’Iran, la Chine pénètre de plus en plus dans le marché iranien et ne souhaite pas l’instabilité dans le Golfe qui répond à ses besoins d’énergie grandissants. Cela peut expliquer la raison du veto de la Russie et de la Chine au Conseil de sécurité de l’ONU, empêchant la prise de sanctions contre les massacres perpétrés par le régime syrien.
Le désengagement américain
Les États-Unis sont déçus du comportement de la Turquie à son égard, particulièrement en ce qui a trait à la guerre contre l’État islamique, la Turquie ne permettant pas l’utilisation des bases américaines sur son territoire. Le bilan de l’intervention américaine en Irak et en Afghanistan, coûteuse, à bien des égards est désastreux.
Par ailleurs, des pays pétroliers financent des mouvements islamiques radicaux antiaméricains. Pour les États-Unis, le Moyen-Orient n’est plus aussi vital au regard de ses intérêts qu’il l’a été par le passé, car les techniques de fracturation hydraulique rendent les États-Unis de plus en plus autonomes quant à leurs besoins en matière d’hydrocarbures. Or, en se retirant de l’Afghanistan et de l’Irak, les États-Unis laissent le champ libre à l’Iran, qui est capable de bloquer les pétroliers du Golfe. Les constructions de pipelines terrestres menant directement à Oman à l’embouchure du Golfe, sont une façon de se prémunir des conséquences d’une attaque iranienne et de minimiser l’implication de l’Amérique.
Un marché croissant
À elle, seule, l’Arabie saoudite a acheté 500 milliards d’armes dans les vingt dernières années, les trois quarts aux États-Unis. Les ventes d’armes globales pour l’année 2014 se sont chiffrées à 64,4 milliards, soit une augmentation de 15 % par rapport à l’année précédente. Les États-Unis viennent en tête des exportateurs d’armes avec 23,7 milliards, suivis par la Russie (15 milliards). L’Arabie saoudite a été en tête des importateurs d’armes (6,5 milliards), suivie par l’Inde (5,8 milliards), la Chine et les Émirats arabes unis. Les ventes d’armes durant l’année 2014 mettent en évidence l’augmentation substantielle des achats d’armes des pays pétroliers, achats que l’on peut attribuer à la crainte du désintérêt relatif des États-Unis de cette région du monde de même qu’à celle de l’expansion iranienne. De nouveaux contrats de ventes d’armes françaises financées par les pays pétroliers — le Qatar (7 milliards), le Liban (3 milliards), l’Égypte (1 milliard) et l’Arabie (4 milliards) — viennent souligner l’insatisfaction des pays du Golfe envers les États-Unis. Ils sont en voie de rendre la France seconde exportatrice mondiale d’armements et ne sont sûrement pas étrangers au durcissement de la position de la France vis-à-vis de l’accord des 5+1 et de l’Iran, relatif au développement des technologies nucléaires en Iran.
Les ressources du Moyen-Orient desservent peu les populations soumises au régime quasi féodal des pays pétroliers, aux dictatures ou aux ambitions croissantes de la semi-théocratie iranienne. Pour l’instant, le statu quo en Syrie arrange la Russie et la Chine. Il y a grand risque que le retrait relatif des États-Unis fasse basculer la région aux mains de l’Iran une fois que les sanctions internationales contre ce pays seront levées. Les pays du Golfe seraient alors tentés de chercher à se procurer un parapluie nucléaire.
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