On dit que l’insulte est l’arme des faibles. Pourtant, le PDG de JPMorgan Chase (JPM), la 6e plus grande banque du monde, est tout sauf chétif. Néanmoins, Jamie Dimon a eu recours à l’invective pour exprimer son mécontentement à la suite de l’assemblée des actionnaires de JPM, où sa rémunération de 20 millions $US a été approuvée par une faible majorité. Lors d’une allocution prononcée à New York mercredi, M. Dimon a qualifié certains grands investisseurs de « paresseux », d’« irresponsables » et d’incompétents.
Réputé pour son franc-parler, M. Dimon faisait référence au fait que des investisseurs institutionnels suivent aveuglément les recommandations des agences de conseil en vote (« proxy advisory firms »), notamment ISS et Glass Lewis, de loin les plus importantes. Ces firmes analysent les circulaires de procuration distribuées aux actionnaires en vue de l’assemblée annuelle et font des recommandations sur les votes relatifs à la rémunération des dirigeants et à la gouvernance.
L’influence d’ISS et de Glass Lewis s’est beaucoup accrue au cours de la dernière décennie, à la faveur de modifications règlementaires. Dans le milieu des affaires, nombreux sont ceux estimant que les investisseurs s’en remettent trop passivement aux agences de conseil en vote, un peu comme ils l’avaient fait quand les agences de notation du crédit avaient donné leur bénédiction aux tristement célèbres papiers commerciaux adossés sur des actifs non financiers (PCAA).
La crise de 2008-2009 a démontré que le recours à des firmes spécialisées ne dispense pas les investisseurs institutionnels de leurs responsabilités d’analyse et de jugement. Par ailleurs, il est difficile de comprendre pourquoi les autorités des marchés financiers, en Europe comme en Amérique du Nord, ont choisi de ne pas réglementer les agences de conseil en vote, se contentant de les inciter à la rigueur et à la transparence.
Cela dit, quand M. Dimon s’en prend aux investisseurs et aux agences qui les conseillent, il se trompe de cible ou cherche à faire diversion. Compte tenu de l’importance de la société qu’il dirige, il est peu probable que beaucoup d’investisseurs aient suivi, sans y regarder de près, les recommandations négatives d’ISS et Glass Lewis au sujet de ses émoluments. Bien que le titre du groupe bancaire ait bien fait au fil des années, JPMorgan a été mêlée à toutes sortes de pratiques douteuses qui l’ont forcée à payer des milliards d’amendes. Il n’est pas étonnant qu’un nombre croissant d’actionnaires se demandent pourquoi le conseil d’administration continue de payer le PDG 20 millions et plus par an.
Ce n’est pas de paresse qu’il s’agit, mais au contraire, d’une essentielle vigilance. Les investisseurs paresseux étaient beaucoup plus nombreux avant la crise, et cette apathie a permis l’émergence de pratiques de rémunération insensées. On ne se souvient pas que M. Dimon ait dénoncé cette paresse-là…
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