Cold Sweat in Silicon Valley

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Suffit-il d’avoir la jeunesse en bandoulière, un narratif à faire se pâmer les capitaux-risqueurs et une foi inébranlable dans sa mission pour berner son monde?

Imaginez une patronne de start up, belle et blonde comme une héroïne d’un film de Hitchcock, prise dans un scandale qui pourrait précipiter sa chute. Elizabeth Holmes, 31 ans et fondatrice de Theranos, a promis de changer la face du monde grâce à la technologie mise au point dans ses labos de Palo Alto. Son credo? Donnez-lui une goutte, une seule, de votre sang et ses machines permettront de réaliser à très bas coût une multitude d’analyses en seulement quelques heures.

Elizabeth Holmes a une magnifique histoire à raconter. Elle a étudié à Stanford sans terminer son cursus (un must depuis Bill Gates et Steve Jobs), puis elle a mis au point en secret pendant dix ans une technologie «révolutionnaire «avant que des anges très fortunés se penchent sur son projet, dont Larry Ellison le patron d’Oracle. L’entrepreneuse a levé 400 millions de dollars et elle possède la moitié d’une firme désormais évaluée à 9 milliards. Ce qui fait d’Elizabeth Holmes la plus jeune self-made milliardaire et de Theranos une des licornes (ces start up évaluées à un milliard de dollars et plus) adorées par la Silicon Valley.

Problème, si Elizabeth Holmes compte parmi les personnalités très sollicitées par les grandes conférences technologiques et si les médias adorent son story telling bien rôdé, son éternel col roulé noir et son teint de porcelaine, quelque chose cloche dans l’histoire de Theranos. Les résultats scientifiques obtenus par la compagnie n’ont jamais été correctement exposés à la communauté des chercheurs. Beaucoup de doutes entourent l’efficacité réelle des fameux tests. Et, pour couronner le tout, une enquête du Wall Street Journal vient de semer le trouble. John Carreyrou, un journaliste français spécialiste des questions de santé et auréolé d’un Pulitzer, avance dans un papier dévastateur qu’Elisabeth Holmes ne vendrait en fait que du vent.

Suffit-il d’avoir la jeunesse en bandoulière, un narratif à faire se pâmer les capitaux-risqueurs et une foi inébranlable dans sa mission pour berner son monde? A ce stade, l’histoire de Theranos n’est de loin pas terminée. Elizabeth Holmes a suffisamment de ressources (et 400 millions de dollars!) pour mener la contre-attaque et peut-être faire «pivoter «son entreprise, c’est à dire revoir le champ de son activité. Reste qu’il restera au minimum un grand malaise. Dans une ère de taux d’intérêt à zéro% où les capitaux cherchent désespérément du rendement, le risque que des start up qui ne valent pas grand chose se voient valorisées à des milliards de dollars existe. Pour paraphraser le maître du suspense, il y a pour le moins l’ombre d’un doute et la blonde hitchcokienne de Palo Alto doit certainement avoir quelques sueurs froides.

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