Et si Donald Trump était le candidat républicain à la Maison-Blanche?
Le succès du milliardaire new-yorkais, en tête des sondages depuis plus de 100 jours dans la course à l’investiture républicaine, provoque la panique auprès de l’élite du parti qui prépare la riposte. Celui qui a parfois été traité de clown est désormais pris très au sérieux
Et s’il décrochait l’investiture républicaine, voire la présidence des États-Unis? Traité de clown et de bouffon de la téléréalité, Donald Trump n’amuse plus l’élite du Parti républicain. Il est en tête dans tous les sondages depuis plus de cent jours, à l’exception d’un sondage publié jeudi par l’institut Quinnipiac donnant son rival Ben Carson (28%) devant le milliardaire new-yorkais (20%) en Iowa. À trois mois du début des primaires, l’establishment est pris de panique. Stratège républicain, Alex Castellanos était de ceux qui ne croyaient pas un instant en la solidité de la candidature du tribun de New York. Aujourd’hui, admet-il, «j’ai malheureusement changé d’avis». On n’associe plus Donald Trump à Herman Cain ou à Michele Bachmann qui, en 2011, avaient connu leur heure de gloire dans les préprimaires avant de s’effondrer.
Les électeurs républicains sont remontés contre la politique. Ils cherchent désormais des candidats qui non seulement expriment leur colère, mais l’amplifient.
Publicités négatives
Pour illustrer la surprise que représente le succès de Donald Trump, il suffit de citer David Leonhardt, responsable de la rubrique «Upshot» du New York Times. Répondant à un lecteur, il écrivait récemment qu’il était «hautement improbable» que le milliardaire new-yorkais remporte l’investiture, car cela «violerait à peu près tout ce qui a historiquement régi les campagnes présidentielles». Le chemin est encore long jusqu’à la convention républicaine de Cleveland, en juillet prochain, où le futur candidat républicain à la Maison-Blanche sera intronisé. Mais force est de constater que l’establishment qu’incarnent des candidats comme Jeb Bush, Marco Rubio, John Kasich ou encore Chris Christie est désemparé. Il ne sait plus comment s’y prendre pour stopper la course pour l’heure triomphante d’un candidat qui se dit homme d’affaires, mais certainement pas homme politique.
Un super-PAC, un comité d’action politique, le Club for Growth, a déjà entamé une campagne anti-Trump. En septembre, il a financé pour un million de dollars des publicités négatives au sujet du tribun diffusées en Iowa. Ses efforts pour mettre des bâtons dans les roues de Donald Trump vont s’intensifier dans d’autres États, promet-il. Mais toutes les recettes appliquées jusqu’ici ne fonctionnent pas. Il n’est pas sûr que de telles publicités atteignent leur objectif. Récemment, les principaux bailleurs de fonds du Parti républicain se sont réunis à l’hôtel Mayflower de Washington. Leur message fut clair: il faut le stopper sinon «il va détruire le parti». Commentateur décapant d’une radio conservatrice, le bouillonnant Rush Limbaugh n’en revient pas: «Vous souvenez-vous d’un parti qui s’évertue à démolir le favori [de la course à l’investiture]? Personnellement, je n’ai jamais vu une chose pareille.»
Plusieurs commentateurs avaient pourtant promis la chute de Donald Trump après ses propos incendiaires au sujet des immigrants mexicains, des «criminels, des violeurs». Rien n’y fit. Le candidat républicain osa même toucher la stature du héros de la guerre du Vietnam John McCain, relevant que ce n’était pas vraiment un héros étant donné qu’il s’était fait capturer. Il avait «franchi une ligne rouge», estimait-on. L’épisode ne l’a pas affecté, renforçant au contraire son statut de tribun qui se fait un malin plaisir à briser les tabous.
Antithèse du politicien traditionnel
Beaucoup se demandent comment un tel phénomène est possible. Donald Trump a des connaissances très limitées en politique étrangère et connaît aussi mal les dossiers de politique intérieure. Ses discours ne sont pas sur la substance qu’il évite comme la peste. Ils sont sur la forme. Le New-Yorkais se présente comme l’antithèse du politique corrompu par les lobbies et l’autosuffisance de Washington. Ses propos ont un écho auprès d’un électorat pour lequel l’ennemi à abattre est le gouvernement fédéral, l’État.
Figure conservatrice américaine, Pete Wehner le souligne dans une tribune libre: «Les électeurs républicains sont remontés contre la politique. C’est pourquoi les critères selon lesquels ils évaluent généralement les candidats – expérience, accomplissements dans des exécutifs, maîtrise des dossiers – sont dévalués. [Ils] cherchent désormais des candidats qui non seulement expriment leur colère, mais l’amplifient.»
Mais Donald Trump peut-il maintenir une telle omniprésence médiatique en maniant l’outrance à dessein? La semaine dernière, il a osé déclarer, lors d’une interview, que George W. Bush n’avait pas garanti la sécurité du pays, car c’est lui qui siégeait à la Maison-Blanche quand les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont eu lieu. Sa déclaration a provoqué une tempête dans le Grand Vieux Parti, outré qu’il ait brisé un tabou. À la peine, le candidat de l’establishment Jeb Bush est tombé dans le piège. Il est monté au créneau pour défendre son frère. Mais dans le même temps, il a lié son destin à celui qui a mené une guerre désastreuse en Irak.
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