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14 janvier 2016 |Guy Taillefer
Projets d’avenir
Échos largement positifs au discours-bilan sur l’état de l’Union de Barack Obama, n’en déplaise aux gueulards qui animent la course républicaine à la présidence. Si M. Obama, homme volubile et intelligent, ne s’est pas privé, mardi soir, de dorer la pilule et s’il est toujours agaçant d’entendre un président américain flatter le sens patriotique en vantant avec emphase la « puissance » des États-Unis, on ne peut pas nier que son ton optimiste était crédible au vu d’une présidence qui aura réussi, depuis sept ans, à poser un certain nombre de gestes progressistes, malgré l’obstructionnisme du Parti républicain et le legs catastrophique de son prédécesseur George W. Bush.
Voici en effet un président sous lequel les États-Unis ont surmonté — fragilement — la Grande Récession ; qui a réussi, jusqu’à preuve du contraire, à réformer le système de soins de santé afin que des millions d’Américains puissent enfin bénéficier d’une assurance maladie ; dont les politiques environnementales ont mis en échec le négationnisme républicain ; et qui a rétabli les ponts avec l’Iran et Cuba… Cette présidence est loin d’avoir rempli toutes ses promesses (immigration, contrôle des armes, désescalade du conflit syrien), mais elle aura au moins eu le mérite de cultiver des projets d’avenir marqués au coin du progrès social et de relations internationales (théoriquement) moins militaristes.
Au fond, l’échec le plus lourd de conséquences de M. Obama aura été d’avoir su si peu freiner le creusement des inégalités aux États-Unis. Si le taux de chômage est maintenant tombé à 5 % et que l’économie s’est remise à croître, il se trouve que les salaires ont à peine augmenté et que les écarts de revenus se sont approfondis depuis 2009. Le taux de pauvreté est aujourd’hui plus élevé (14,8 %) qu’il ne l’était au début du premier mandat de M. Obama. C’est dire, ce qu’il ne faut jamais oublier, que son progressisme a ses limites ; il est enchâssé dans un système de croissance néolibéral dont la justice économique n’est pas un principe.
M. Obama aura peut-être été le plus juste dans sa critique de la démocratie représentative américaine. Il a pris acte de la colère croissante de la population à l’égard d’un système de plus en plus noyauté par les lobbys et la grande entreprise. En cette année électorale, le président avait beau jeu de jouer cette carte contre les républicains. Il n’en reste pas moins que l’absence de dialogue politique est devenue aux États-Unis une maladie chronique qui paralyse l’exercice démocratique. Maladie à laquelle un remède ne sera probablement pas trouvé de sitôt. Les candidats républicains à la présidence tiennent d’ailleurs un autre débat jeudi soir — où il sera à nouveau possible de mesurer l’ampleur du fossé idéologique qui sépare les deux partis.
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