Pourra-t-on arrêter Donald Trump?
Lincoln a aboli l’esclavage, Reagan a gagné la guerre froide… et Donald Trump évoque la taille de ses organes génitaux en plein débat télévisé. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le parti républicain américain a connu de meilleurs jours. Et pourtant : « The Donald » reste le favori pour remporter l’investiture républicaine en vue de la présidentielle de 2016. Il a gagné 15 des 24 caucus et primaires ayant eu lieu jusqu’ici, et détient une avance d’une centaine de délégués dans la course à l’investiture. À l’heure où les bonzes du parti républicain appuient sur le bouton panique, les scénarios qui permettraient d’arrêter Trump sont de moins en moins nombreux et le parti devra peut-être se rendre à l’évidence : 2016 ne se déroule pas comme prévu et pourrait mettre le parti en péril en vue et au-delà du vote de novembre.
Minuit moins une
La division du vote entre les candidats républicains a été bénéfique à Trump depuis le début de la saison des primaires. « The Donald » n’a atteint une majorité de plus de 50 % du vote populaire dans aucun des États ayant voté à ce jour, et il a obtenu la plupart de ses victoires avec moins de 40 % des voix. Chez l’ensemble des électeurs qui se sont prononcés jusqu’à maintenant, environ 35 % ont accordé leur appui à Trump. Qui plus est, un sondage ABC News/Washington Post publié cette semaine illustre que Trump perdrait une course à deux contre Ted Cruz (41 % contre 54 % d’appuis) ou Marco Rubio (45 % contre 51 % d’appuis).
La résistance à la candidature Trump reste donc farouche au sein du Grand Old Party (GOP). Pour être efficace, elle devra toutefois s’organiser et s’unir de façon urgente. Les primaires de la Floride et de l’Ohio, prévues le 15 mars, attribueront à elles seules près de 15 % du total des délégués nécessaires pour décrocher l’investiture. Si Rubio, sénateur de la Floride, ainsi que John Kasich, gouverneur de l’Ohio, cannibalisent chacun le vote de l’autre, Trump pourrait balayer ces deux États et avoir le vent en poupe pour la suite (c’est d’ailleurs le scénario qui s’annonce selon les sondages). En revanche, si les adversaires de Trump établissent une coalition d’ici le 15 mars, le GOP pourrait forcer la tenue d’une Convention nationale « contestée » en juillet.
Convention « contestée »
Pour les bonzes du parti républicain, la stratégie consisterait à appuyer un adversaire autre que Trump (Cruz par exemple) jusqu’à la fin des primaires, dans l’espoir d’empêcher « The Donald » de ravir les 1237 délégués nécessaires pour l’emporter lors du premier tour à la Convention nationale républicaine prévue à Cleveland. Ce n’est pas impossible, car même si Trump mène actuellement la course aux délégués, Cruz et Rubio en ont ensemble plus que lui. S’il ne recueille pas l’appui de 1237 délégués d’ici la Convention, Trump serait vulnérable à une alliance mise sur pied par l’establishmentdu parti visant à le court-circuiter et à octroyer l’investiture à un autre candidat. Un tel scénario serait sans précédent dans l’ère moderne des campagnes d’investiture présidentielle ayant débuté en 1972 — et serait dramatique pour le GOP, qui s’exposerait alors à la grogne des partisans de Trump en novembre.
Mais le GOP n’aura peut-être pas le choix d’y recourir, car le style de Trump — caractérisé par les attaques personnelles et les propos souvent controversés et injurieux, notamment à l’endroit des membres de certaines minorités ethniques et religieuses — et ses positions politiques — allant souvent à l’encontre de l’orthodoxie républicaine, que ce soit en matière de fiscalité, de commerce international ou encore de politique étrangère — représentent tout autant une menace pour la cohésion, voire la survie du GOP.
Les républicains ne l’avoueront jamais ouvertement, mais l’arrivée de Clinton à la Maison-Blanche ne serait peut-être pas pire pour le parti qu’une victoire de Trump en novembre. La volonté de Trump de jeter à la déchiqueteuse plusieurs accords de libre-échange et de fermer des bases militaires américaines à l’étranger sèmerait la bisbille entre la Maison-Blanche et un Congrès républicain et forcerait sans cesse des Paul Ryan (président de la Chambre des représentants) et Mitch McConnell (premier républicain en importance au Sénat) à contredire Trump et à s’opposer à la volonté présidentielle. Qui plus est, la coalition électorale qui appuie actuellement Trump est largement composée d’électeurs moins politisés, fidèles d’abord et avant tout au personnage, et non au parti. Si « The Donald » est candidat républicain en novembre, ces électeurs se rendront massivement aux urnes et leur colère à l’égard de l’establishment du parti pourrait les mener à ne pas appuyer les autres candidats républicains qui tenteront de remporter des sièges au Congrès ou à d’autres postes électifs (gouverneurs, législateurs d’État, etc.). Le GOP pourrait par exemple perdre le contrôle du Sénat, d’autant que les démocrates n’hésiteront pas à alimenter la ferveur anti-Trump (déjà perceptible au pays) pour tenter de provoquer un raz-de-marée électoral.
Le GOP cherchera donc à faire dégringoler Trump au cours des prochaines semaines, et ce, même si le scénario est loin d’être idéal. Ironiquement, l’autre principal prétendant à l’investiture, le sénateur Ted Cruz, est lui aussi un mal-aimé au sein du GOP, parce qu’il n’a jamais hésité à défier les leaders républicains au Congrès. En cette année où l’on disait que le GOP disposait d’un meilleur bassin de candidats que le parti démocrate, la grande gagnante des caucus et primaires républicains jusqu’à présent est peut-être Hillary Clinton ! En effet, elle voit les électeurs du GOP se laisser tenter par ceux contre lesquels elle a les meilleures chances de gagner en novembre.
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