Donald Trump hante les néoconservateurs
L’homme d’affaires est plutôt un paléoconservateur qui prône une forme d’isolationnisme
Après avoir ébranlé l’establishment républicain, le succès inattendu de Donald Trump sème maintenant la panique dans le camp des néoconservateurs. Réputés pour la croisade ratée qu’ils ont menée contre l’Irak, les néoconservateurs cherchent une nouvelle icône pour ressusciter leurs idéaux. La défaite annoncée de leur favori, Marco Rubio, ne les convainc pas de se rallier au meneur, dont le populisme trahit leurs convictions politiques.
La nomination du candidat controversé pourrait donc entraîner l’exode des néoconservateurs vers le clan de Hillary Clinton, qui incarne davantage leur engagement idéologique. Cette rupture est révélatrice du clivage qui sépare les prétendants à la présidence. Au-delà des personnalités, les élections primaires sont le théâtre d’un affrontement entre des traditions politiques profondément enracinées dans l’histoire américaine.
Marco Rubio: l’espoir des néoconservateurs
Les néoconservateurs sont d’anciens démocrates opposés à l’investiture de George McGovern, qui prône la détente à l’égard de l’URSS lors des primaires de 1972. Ils sont séduits par le zèle idéologique avec lequel Ronald Reagan combat « l’empire du mal ». Les attentats du 11 septembre 2001 scellent leur emprise sur la présidence de George W. Bush. Habités par l’esprit missionnaire légué par Woodrow Wilson, ils souhaitent libérer le Moyen-Orient à la pointe des armes et y exporter la démocratie comme remède au terrorisme. Ils ont une foi presque aveugle dans la supériorité morale et les capacités militaires de leur pays. L’Irak leur sert de laboratoire et ils y jouent les apprentis sorciers sans assumer leur défaite.
Empressés de défaire l’héritage de Barack Obama, les néoconservateurs conseillent Marco Rubio pour regagner la Maison-Blanche. Ils sont ravis par le discours belliqueux de celui qui évoque Reagan. Décidé à réaffirmer la prééminence des États-Unis, Rubio s’est engagé à augmenter le budget de la défense, durcir les sanctions contre Moscou, armer l’Ukraine et étendre l’OTAN aux portes de la Russie. Il entend accroître les troupes pour lutter contre le groupe EI, ranimer l’alliance avec Israël et résilier l’accord de désarmement nucléaire avec l’Iran. Fils d’immigrés cubains, il promet aussi de rompre le dialogue avec le régime castriste et resserrer l’embargo contre l’île.
Donald Trump: le paléoconservateur
Les détracteurs de Donald Trump le décrivent comme un imposteur qui a une méconnaissance profonde des affaires internationales. Celui-ci s’est pourtant démarqué en cultivant une vieille tradition isolationniste qui remonte à l’entre-deux-guerres. Trump est un paléoconservateur qui prêche une réduction de la présence et de l’engagement des États-Unis dans le monde. Ses précurseurs militent dans le mouvement America First, qui tient à la neutralité américaine lors de la Deuxième Guerre mondiale. Il peut se réclamer de Robert Taft, un sénateur républicain hostile à l’OTAN et l’expédition en Corée au début de la guerre froide. Il partage aussi le nationalisme de Pat Buchanan, qui se porte candidat avant lui.
Si la philosophie politique de Trump n’est pas entièrement désincarnée, ses engagements de campagne n’ont pas la même cohérence idéologique. Il accuse le président Bush d’avoir menti pour envahir l’Irak, mais désire confisquer le pétrole irakien pour indemniser les victimes américaines de la guerre. Il exprime son admiration pour Vladimir Poutine, mais veut ériger un mur à la frontière mexicaine et fermer des bases militaires dans des pays alliés. Il prévoit s’unir à la Russie pour bombarder le groupe EI, mais envisage une guerre tarifaire contre la Chine pour protéger des emplois. Il adhère à l’entente sur le nucléaire iranien et écarte un changement de régime en Syrie, mais suggère d’éliminer le dirigeant nord-coréen et les familles de leaders terroristes.
Hillary Clinton: le «faucon» démocrate
La tentation isolationniste et le caractère imprévisible de Donald Trump amèneront-ils les néoconservateurs à renouer avec leur ancienne formation politique ? Déjà, deux figures du mouvement ont désavoué le meneur républicain et annoncé leur appui prochain à Hillary Clinton.
La candidate démocrate défend une posture beaucoup plus robuste et interventionniste que celle d’Obama. Agacée par la prudence de son patron lorsqu’elle est secrétaire d’État, Clinton plaide tôt pour l’envoi de renforts massifs en Afghanistan. Elle croit en l’impérialisme humanitaire des États-Unis et persuade le président de recourir à la force contre Mouammar Kadhafi en Libye. Son appel à aider les rebelles syriens à l’aube du printemps arabe est ignoré. Elle donne aujourd’hui un appui timide à l’accord négocié avec l’Iran et soutient la création d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Syrie. Son programme offre un nouveau terreau aux néoconservateurs, qui devront décider s’ils restent fidèles à leurs idées ou à leur parti.
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