Le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, pouvait difficilement rester les bras croisés devant les mesures fiscales américaines qui risquaient de détourner les investisseurs du Canada. Pour y arriver, le ministre a toutefois dû ralentir le pas en matière de réduction du déficit et de la dette, ce qui n’est pas sans conséquence.
Il n’y a pas à dire, l’économie canadienne va bien. Environ 550 000 Canadiens de plus qu’il y a trois ans travaillent. Le taux de chômage est à son plus bas depuis 40 ans. Les salaires augmentent plus vite que l’inflation. La rentabilité des entreprises après impôt est plus élevée que la moyenne historique…
Le président Donald Trump a toutefois semé l’incertitude avec ses fameuses mesures fiscales. Jusque-là, le Canada avait l’avantage. Pour ne pas le perdre, il devait faire quelque chose, et la réponse occupait presque tout l’énoncé économique présenté mercredi par le ministre Morneau.
Fort heureusement, il a résisté à l’appel de l’opposition conservatrice et de certains groupes d’affaires en faveur d’onéreuses baisses d’impôt. Il a opté pour des mesures ciblées encourageant les investissements dans la machinerie, l’innovation et la production d’énergie propre, des mesures plus propices à l’amélioration de la compétitivité à long terme des entreprises.
Cette stratégie à la fois défensive et structurante s’imposait dans les circonstances, mais sans la pression américaine, elle n’aurait pas eu sa raison d’être. Quand une économie tourne à plein régime, rien ne justifie d’utiliser les fonds publics pour la stimuler davantage. C’est plutôt le temps de faire des réserves pour faire face à un inévitable ralentissement.
L’occasion aurait été belle. N’eussent été les annonces faites mercredi, le déficit prévu pour l’année 2019-2020 aurait été de 5,3 milliards inférieur à celui inscrit dans le budget de mars dernier, et tout cela grâce aux solides prévisions de croissance économique. Or les nouvelles mesures totaliseront 5,5 milliards cette année-là, dont 4,9 milliards uniquement pour répliquer à Donald Trump. Sur une période de cinq ans, ce sont 14 des quelque 16 milliards en nouvelles dépenses qui serviront à soutenir les investissements.
Il ne s’agit pas ici de se prononcer sur la justesse de cette réponse (voir autre édito) ou des autres annonces modestes faites mercredi. Le secteur de l’économie sociale attend depuis longtemps un appui mérité. Il en va de même pour la presse, qui a finalement obtenu une aide qui reste à analyser.
L’ampleur de l’ensemble des sommes consenties exige cependant de s’interroger sur le peu de marge de manoeuvre qu’il reste au gouvernement pour faire face à de nouveaux imprévus. Ce choix surprend peu. Dès son élection, le gouvernement Trudeau a abandonné sa promesse de renouer avec l’équilibre budgétaire pour miser sur la stimulation de l’économie pour affaiblir le poids de la dette et du déficit.
En valeur absolue, le déficit prévu en 2019-2020 sera supérieur à ce qu’on prévoyait au printemps dernier, mais il sera stable en proportion du produit intérieur brut (PIB). Quant à la dette, elle continuera de diminuer par rapport au PIB, mais à un rythme plus lent qu’anticipé.
La situation n’est pas dramatique puisque, comparativement aux autres pays du G7, le Canada affiche un des meilleurs bilans de santé financière. Le hic est que ce gouvernement semble incapable de résister à la tentation du saupoudrage, ce qui ne conduit pas toujours à des dépenses ayant une valeur stratégique. En témoignent plusieurs des mesures prises entre le dernier budget et cet énoncé économique. L’imprudence, elle est là.
Et malheureusement, rien n’indique que ce travers s’atténuera à moins d’un an des élections.
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