Shootings in the US: Running from Responsibility

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Chaque nouvelle fusillade en sol américain provoque le même cri d’indignation. Vingt ans après la tragédie de Columbine et sept ans après la mort de vingt bambins à Sandy Hook, va-t-on enfin agir ? La mort de vingt personnes en fin de semaine à El Paso (Texas), sous les tirs d’un suprémaciste blanc avoué, et de neuf autres personnes abattues, pour on ne sait quel motif, à Dayton (Ohio), a ravivé cet appel douloureux. La réponse, malheureusement, ne viendra pas du président américain Donald Trump.

Dans une déclaration télévisée lundi matin, M. Trump a condamné comme il se doit ces « actes haineux et lâches », « le racisme, le sectarisme et le suprémacisme blanc ». Croit-il avoir contribué, avec ses tweets, à la montée de ces discours, lui qui a déjà qualifié l’arrivée de migrants latinos d’«invasion » ? Il n’en a pas donné l’air. Le président n’a pas repris d’ailleurs l’expression de « terrorisme intérieur » utilisée par les policiers d’El Paso.

Et il a évidemment évité toute reconnaissance du problème de l’omniprésence des armes à feu dans son pays. Selon lui, ces drames sont le fruit de personnes souffrant de « maladie mentale », radicalisées dans bien des cas par du contenu en ligne. Et que dire de la glorification de la violence propre aux jeux vidéo ? Et les médias ! Dans un tweet diffusé avant son allocution, il les a accusés d’être grandement responsables, avec leurs « fausses nouvelles », de « la colère et de la rage » ambiantes.

Il a ouvert la porte à de meilleurs contrôles des antécédents des acheteurs d’armes à feu, mais s’il n’y en a toujours pas, c’est parce que son parti, majoritaire au Sénat, n’a toujours pas entrepris l’étude d’un projet de loi allant en ce sens et adopté en février par la Chambre des représentants, avec l’appui de parlementaires des deux partis. Et quand M. Trump a évoqué cette idée dans un tweet publié peu après le drame, il a suggéré de lier son adoption à une politique migratoire plus musclée, alors que des victimes d’El Paso et la cible du tueur étaient Mexicaines.

Ces deux dernières tueries mettent en relief deux problèmes criants aux États-Unis : un contrôle dangereusement inadéquat des armes à feu et la vigueur grandissante d’un extrémisme de droite, apôtre du suprémacisme blanc. Malheureusement, Donald Trump ne croit pas au premier et est prêt à flirter avec le second, par conviction ou opportunisme.

La seule chose qui fera bouger les élus sera une mobilisation des citoyens capable d’avoir un impact le jour du vote. Ce qu’ont fait les étudiants de Parkland pour les élections de mi-mandat.

Le Canada peut se conforter en se disant que, s’il se heurte lui aussi aux enjeux du contrôle des armes à feu et de la montée de l’extrême droite, il a déjà pris des moyens pour y faire face. Il y a encore à faire cependant.

En ce qui a trait à l’extrémisme de droite, les agences de sécurité et de renseignement canadiennes ont mis du temps à s’y intéresser, l’extrémisme islamiste ayant accaparé l’attention. L’attentat contre la mosquée de Québec en 2017 a changé la donne. Le Service canadien du renseignement de sécurité ne cache pas qu’il s’intéresse de près à la montée de l’extrême droite et à la menace qu’elle peut poser. Ottawa a aussi inscrit en juin deux groupes d’extrême droite, Combat 18 et Blood & Honour, à la liste des entités terroristes.

Pour ce qui est du contrôle des armes à feu, les principaux éléments sont en place, certains améliorés par le gouvernement Trudeau, mais il manque un très gros morceau : l’interdiction de la possession d’armes de poing et semi-automatiques d’allure militaire. Les libéraux devaient s’y attaquer, mais d’études en consultations, ils disent maintenant devoir obtenir un mandat populaire pour aller plus loin. On aura leur programme à l’oeil. Ce ne sont pas les conservateurs qui feront mieux, puisqu’ils s’opposent à la plupart des changements apportés par les libéraux et que certains députés flirtent ouvertement avec le lobby pro-armes.

Les États-Unis ne devraient pourtant pas être la référence. Des pays comme l’Australie et le Royaume-Uni vivent très peu de ces tragédies, même si les jeunes y jouent aux mêmes jeux vidéo que les Américains et se retrouvent exposés à la même glorification de la violence. Mais voilà, ces pays ont mis en place des régimes solides de contrôle des armes à feu et interdisent la possession des armes de poing et semi-automatiques. Ce sont eux qui devraient nous inspirer, pas nos voisins.

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