Trois ans de Donald Trump
Il y a trois ans aujourd’hui, l’ère Trump commençait par un gros mensonge sur le temps qu’il faisait à Washington et sur la grosseur de la foule au discours inaugural du nouveau président. L’histoire de ce jour-là retient qu’il s’est mis à pleuvoir précisément lorsque Donald Trump a commencé à parler. Les témoignages et les registres météorologiques ne laissent place à aucun doute.
Incontestable est également le fait que Donald Trump, lors de cet événement, a attiré beaucoup moins de spectateurs que ne l’avait fait Barack Obama, huit ans plus tôt au même endroit.
Deux faits anodins, simples à établir, mais que Trump défonce allègrement le soir même, lors du bal traditionnel. « La foule était incroyable aujourd’hui. Il n’y avait même pas de pluie. Et lorsque nous avons terminé le discours et que nous sommes entrés à l’intérieur, ça s’est mis à tomber. »
Allait s’ensuivre, les jours suivants, un débat ridicule sur la taille de la foule, ce 20 janvier 2017 face au Capitole…. mais qui donnait le ton de cette nouvelle présidence, obsédée par les insignifiances, indifférente à la vérité objective.
Le porte-parole de la Maison-Blanche, dont on a oublié le nom (il en est passé quelques autres depuis), avait alors défendu devant les journalistes les évaluations fantaisistes de Donald Trump. Le nouveau président avait affirmé que la foule de ce jour-là était « la plus grande de toute l’histoire des États-Unis » lors d’une inauguration présidentielle.
Deux jours plus tard, une conseillère spéciale du président, Kellyanne Conway, annonçait à la télévision que la nouvelle présidence allait se baser, pour guider son action, sur des « faits alternatifs » (sic), afin de ne pas se laisser imposer par les autres — et tout d’abord par une communauté journalistique perçue comme menteuse et hostile en bloc — l’établissement du vrai et du faux.
C’est nous qui allons décider ce qui est vrai et ce qui est faux, disait-elle en substance. Trois ans plus tard, force est de constater que cette approche a été suivie avec constance… et que ça marche !
Au moment de son inculpation par la Chambre des représentants pour « crimes et méfaits », à la mi-décembre, la cote d’approbation Gallup du président se situait à un pic de 45 %, en haut de la fourchette « 35-45 » qui l’a accompagné tout au long de ces trois années.
On dira que c’est peu pour une institution qui, à certains moments dramatiques de l’histoire, a pu rassembler derrière elle des appuis bien supérieurs (trois quarts, voire neuf dixièmes des électeurs), et où la « ligne de flottaison » habituelle se situe dans les 50-55 %.
Mais c’est beaucoup, du fait de l’extraordinaire solidité (dans le contexte) et de la capacité de mobilisation de ces appuis, avec un système électoral indirect et archaïque dont profite à fond la droite républicaine périurbaine et campagnarde.
Le même mépris pour la réalité préside, en ce troisième anniversaire et à dix mois de l’élection, au procès en destitution qui s’ouvre cette semaine à Washington.
Les sénateurs républicains — hormis une poignée… et encore ! — s’apprêtent à voter en bloc, et sans considérer les faits soumis, pour rejeter toute culpabilité de Trump dans le dossier pourtant accablant de l’affaire ukrainienne.
À Washington, on assiste à un véritable assaut contre la démocratie telle qu’on la pratique depuis deux siècles : réalité alternative, ignorance superbe et assumée, refus de la division des pouvoirs, illégitimité de toute critique, adversaires considérés comme des ennemis, réduction d’un parti politique devenu l’instrument d’un seul homme, nominations systématiques d’amis radicaux dans l’espace judiciaire, abandon des alliés traditionnels, collusion ou complaisance avec des puissances étrangères traditionnellement ennemies (Russie, Corée du Nord)…
Le danger pour la démocratie provient de l’accumulation, chez un seul homme, dans un seul régime, en un même endroit, non pas de deux ou trois, mais de toutes ces caractéristiques en même temps.
Ainsi va la présidence de Donald Trump, l’homme qui décrète la pluie et le beau temps… et que — beau temps, mauvais temps — sont prêts à suivre aveuglément, et n’importe où, plus de deux Américains sur cinq.
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