Ce que Donald Trump, entre deux séances du Sénat penché sur son procès en destitution, a finalement présenté mardi midi relativement au conflit israélo-palestinien est peut-être un plan, mais dire qu’il est « de paix » insulte l’intelligence — ce qu’en toutes choses ce président ne s’est pas privé de faire depuis son arrivée au pouvoir. Que vaut un plan qui prétend à la paix par le fric et la loi du plus fort ? Qui a été concocté sans la participation de la partie palestinienne ? Qui comble d’aise la droite dure israélienne et le premier ministre Benjamin Nétanyahou ? Et dont le leader évangélique américain Mike Evans, proche de M. Trump, a dit qu’il était « tout ce que nous espérions — tout » ?
Cette initiative à sens unique consterne, mais ne surprend pas. D’abord parce qu’elle est le résultat d’une démission internationale face à la lente agonie du processus d’Oslo, lancé il y a 25 ans, et à la méthodique colonisation israélienne des territoires occupés. Ensuite parce que les contours de ce que M. Trump promettait d’être le « deal du siècle » ont été dessinés ces dernières années par une série de gestes posés par la Maison-Blanche.
C’est ainsi qu’après le déménagement, annoncé en décembre 2017, de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, Washington a reconnu la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan et cessé de considérer l’annexion de territoires en Cisjordanie comme contraire au droit international. Devant le refus de l’Autorité palestinienne de se prêter, dans ces conditions, au jeu de la « négociation de paix », la Maison-Blanche l’a punie en sabrant l’aide qui lui était destinée de centaines de millions de dollars ainsi que la contribution américaine au budget de l’agence onusienne de soutien aux réfugiés palestiniens.
Le plateau du Golan, justement. D’aucuns estiment que la reconnaissance, en mars 2019, de la souveraineté israélienne sur ces hauteurs syriennes occupées depuis 1967 constituait un cadeau électoral destiné à aider M. Nétanyahou à remporter les législatives qui allaient se tenir le mois suivant. Ça n’a pas marché. Voici qu’il lui en fait un autre avec ce « plan de paix », alors que les Israéliens retournent aux urnes le 2 mars prochain pour une troisième fois en moins d’un an, la classe politique ayant été incapable de former un gouvernement. On pourrait toujours ironiser sur le fait que M. Trump, qui est un homme populaire en Israël, intervient dans le processus électoral d’un autre pays… On ne s’étonne plus que M. Nétanyahou aime à répéter qu’Israël « n’a pas de meilleur ami que le président Trump ». S’il y a cadeau, c’est en tout cas celui, surlignons-le, d’un président en procès au Sénat pour abus de pouvoir dans l’affaire ukrainienne à un premier ministre formellement accusé, depuis mardi, d’abus de confiance, de corruption et de fraude dans trois affaires différentes. Les deux font la paire.
De plus, M. Trump a confirmé mardi sur un ton lénifiant, en compagnie d’un Benjamin Nétanyahou ravi, la teneur de son « deal très détaillé et nuancé », dont l’annonce avait été maintes fois reportée : Jérusalem « capitale indivisible d’Israël », colonisation à volonté, souveraineté israélienne sur la vallée du Jourdain… Un plan qui entrouvre la porte, en prétendant faire bonne mesure, à la création d’un État palestinien indépendant, mais sous plusieurs conditions et sans les pouvoirs d’un État digne de ce nom. Que les Palestiniens acquiescent et la Maison-Blanche les couvrira, promet-elle, d’une manne de 50 milliards de dollars en projets de développement, ainsi que l’avait déjà fait miroiter Jared Kushner, gendre et chargé de projet de M. Trump. Qui y croit ? Il s’agit d’une proposition qui revient à perpétuer le statu quo en le creusant et qui, cherchant à enterrer une fois pour toutes la cause palestinienne, risque de mettre le feu aux poudres, à nouveau. M. Trump peut sans doute compter sur cette part d’indifférence croissante du monde arabe, nommément l’Arabie saoudite, à l’égard des Palestiniens. Cette fatigue est réelle. Reste qu’au regard des tensions et de la confusion dans lesquelles s’enfonce le Proche-Orient, son plan ne sera d’aucun secours.
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