En novembre 1999, le favori des candidats républicains à l’élection présidentielle américaine, George W. Bush, avait été raillé parce qu’il n’était pas parvenu à citer le nom du général qui venait de s’imposer, à la faveur d’un putsch, comme l’homme fort du Pakistan, Etat nucléaire, Pervez Musharraf. Cette lacune ne l’empêcha pas d’être élu à la Maison Blanche en 2000. Vingt ans plus tard, le prétendant républicain au scrutin présidentiel, dans une belle progression des savoirs outre-Atlantique, ignore que la Grande-Bretagne, alliée si l’en est des Etats-Unis, est une puissance nucléaire et que la Finlande est une nation indépendante. Circonstance aggravante, Donald Trump est aux responsabilités dans le Bureau ovale depuis 2017. Est-il en position de gagner le scrutin présidentiel du 3 novembre prochain ?
L’incompétence n’est pourtant pas le principal reproche que les révélations du livre de son ancien conseiller à la Sécurité nationale, The Room Where It Happened (Simon & Schuster), alimentent à l’encontre du Président américain. John Bolton, “chiot malade” selon Trump, accuse son ex-patron d’avoir marchandé auprès du président Xi Jinping, lors d’un sommet en juin 2019, l’achat par la Chine de produits agricoles américains pour favoriser une partie de ses électeurs et donc sa réélection. Le chantage au déblocage d’une aide militaire exercé envers son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky en échange de l’ouverture d’une enquête contre le fils de son rival démocrate Joe Biden avait constitué un précédent d’instrumentalisation de la politique étrangère. Il n’empêche, en pleine guerre commerciale avec la Chine, il fallait oser quémander l’aide de son principal ennemi du moment. Donald Trump l’a fait.
Les électeurs américains seront évidemment les seuls juges de l’opportunité de maintenir l’ancien promoteur immobilier à la Maison Blanche. Il reste à espérer que certains de ses inconditionnels partisans prennent enfin conscience de la dépendance à laquelle leur guide a exposé le pays en s’abaissant à pareille pratique, loin du slogan Make America Great Again ressassé depuis quatre ans. L’échec du lancement de la campagne du candidat Donald Trump lors d’un meeting à Tulsa, qui n’a pas fait salle comble, pourrait l’accréditer si la désaffection n’était pas en partie due à une action créative et punitive de jeunes fans de pop coréenne. L’origine de la dernière épreuve que doit affronter le locataire de la Maison Blanche après la crise sanitaire, la dépression économique et la contestation antiraciste, est beaucoup plus significative de cette tendance. John Bolton est un représentant de l’aile la plus conservatrice des soutiens dont bénéficia Trump pour être élu en 2016. Par-delà le règlement de comptes personnel qu’elle consacre, l’attaque de l’ancien ambassadeur des Etats-Unis à l’Onu signifie qu’une partie des néoconservateurs américains s’est résignée à la victoire de Joe Biden. L’effritement inexorable de ses supporters, le veto de la Cour suprême, pourtant recomposée par ses soins, au blocage de la régularisation des immigrés arrivés enfants aux Etats-Unis et la résistance des scientifiques à ses idées délirantes pour combattre le coronavirus inclinent donc à penser que la dynamique populiste portée par Donald Trump a atteint ses limites. Et que, sauf événement surprise toujours plausible en période électorale américaine, c’est une ambiance de fin de règne que l’on vit à Washington.
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