ÉDITORIAL. Avec Ankara, Moscou est le grand vainqueur du cessez-le-feu obtenu dans le Caucase. Américains et Européens en sont réduits à compter les points
La question s’est «réglée» sans lui. Alors que Donald Trump est encore tout occupé à savonner la planche de la Maison-Blanche à son successeur Joe Biden, les armes ont fini par se taire dans le Haut-Karabakh. Le président américain n’avait rien fait pour prévenir l’escalade qui a débouché sur un conflit meurtrier entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Six semaines plus tard, il n’a pas fait davantage pour l’arrêter. La Russie et la Turquie raflent la mise, et continuent de dessiner ce que sera le paysage diplomatique de demain, au détriment des Occidentaux.
La Russie et la Turquie? Tels des Dupond et Dupont de la géopolitique, les deux pays sont devenus pratiquement indissociables. Certes, ils se trouvent souvent dans des camps opposés. Mais leurs dirigeants ont surtout un trait en commun: leur rejet de plus en plus frontal de l’Occident.
La recette est désormais éprouvée. Moscou et Ankara investissent des terrains laissés à l’abandon par les retraits américains et par les dysfonctionnements européens; ils usent de tous les moyens disponibles pour se placer au centre du jeu; puis ils finissent par dynamiter ce qui tenait lieu de cadre multilatéral, afin de le remplacer par une structure diplomatique taillée sur mesure. En Syrie, cela s’appelle le processus d’Astana, qui fait désormais la loi aux dépens de l’ONU. En Libye, place aux mercenaires, et à beaucoup de patience, pour espérer au final se répartir les billes. Avec l’accord trouvé dans le Haut-Karabakh (où la Turquie occupe une place essentielle bien qu’elle ait laissé le premier rôle à Moscou), c’est le vénérable accord de Minsk, vieux d’un quart de siècle, qui est jeté aux oubliettes. En clair: voilà aussi bien la France que les Etats-Unis mis hors jeu, une fois de plus.
C’est entendu: le Caucase du Sud est le terrain d’action historique «naturel» de ces deux pays, bien davantage que celui de Washington ou de Paris. La Russie y est d’ailleurs entrée un peu à reculons, tant elle voulait ménager ses deux vieux amis que sont l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Il n’empêche: en laissant l’Arménie s’enfoncer jusqu’à l’absurde dans cette guerre, en prenant garde à ne pas s’opposer aux velléités de l’Azerbaïdjan épaulé par la Turquie, puis en obtenant l’envoi de milliers de soldats russes pour jouer le rôle d’arbitre, Moscou gagne sur tous les tableaux. Pour Joe Biden comme pour Emmanuel Macron, la partie est, ici, déjà perdue.
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