Si le principe du plan de relance voulu par Joe Biden ne fait pas débat, son ampleur et le moment où il intervient font peser des risques de surchauffe sur l’économie.
Le mieux est-il l’ennemi du bien ? La question se pose à propos du plan de soutien à l’économie américaine, qui doit être adopté par le Sénat dans les prochains jours. Le nouveau président des Etats-Unis, le démocrate Joe Biden, a décidé de provoquer un électrochoc en dépensant 1 900 milliards de dollars (environ 1 600 milliards d’euros) pour réparer les dommages causés par la pandémie de Covid-19. Si le principe de ce stimulus budgétaire ne fait pas débat, son ampleur et le moment où il intervient font peser des risques de surchauffe sur l’économie.
La décision est inédite en temps de paix. En s’ajoutant aux 900 milliards déjà débloqués en 2020, le plan va porter le déficit budgétaire des Etats-Unis à 18 % du produit intérieur brut (PIB), soit seulement quatre points de moins qu’au sortir de la seconde guerre mondiale. Larry Summers, pourtant proche de Joe Biden sur le plan politique en tant qu’ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton et ex-conseiller économique de Barack Obama, estime que ce plan est disproportionné par rapport aux dégâts subis par l’économie américaine.
Le coût des mesures prises est équivalent à 13 % du PIB, alors que celui-ci n’a reculé que de 3,5 % en 2020. Les démocrates sont hantés par les reproches qui avaient été adressés à l’administration Obama lors de la crise financière de 2008. Alors accusés de ne pas en avoir fait assez, ils ont décidé cette fois de ne pas lésiner.
Le retour de la croissance s’annonce plus rapide
Même s’il est légitime de venir en aide aux chômeurs et aux plus précaires, qui ont été durement touchés par les effets de la pandémie, l’effort en direction des classes moyennes semble moins justifié. Beaucoup de ménages américains, faute d’avoir pu dépenser pendant les confinements, se retrouvent à la tête d’une épargne conséquente, à laquelle vont s’ajouter des aides gouvernementales, qui vont booster artificiellement la consommation.
Les doutes sur l’efficacité de ce plan de soutien sont d’autant plus fondés que le retour de la croissance s’annonce plus rapide qu’espéré. Même si 9,5 millions d’emplois détruits depuis le début de la pandémie manquent toujours à l’appel, les bons chiffres du marché du travail publiés vendredi 5 mars laissent penser que l’allégement des mesures sanitaires et l’accélération de la vaccination vont permettre un retour à la normal plus tôt que prévu.
Remontée des taux d’intérêt
La reprise se profilant, il faut certes panser les plaies de la pandémie, mais il est tout aussi essentiel de se projeter vers l’avenir avec un plan de relance (et non seulement de soutien de la demande) capable de transformer le profil de l’économie américaine en matière d’infrastructures, d’éducation ou de transition énergétique. Or, une fois dépensés ces 1 900 milliards de dollars, l’administration Biden aura du mal à revenir devant le Congrès d’ici aux élections de mi-mandat pour réclamer de nouveaux crédits.
Mal calibré, ce plan, dans le contexte actuel d’expansion monétaire et budgétaire, fait surtout courir le risque d’une surchauffe qui pourrait déboucher sur un retour de l’inflation. La hausse des prix semble sous contrôle à court terme, mais les anticipations des marchés obligataires ne sont pas à prendre à la légère. L’annonce vendredi des bons chiffres de l’emploi a été immédiatement saluée par une vive remontée des taux d’intérêt. Un avant-goût des pressions qui vont désormais se faire de plus en plus fortes pour que la Réserve fédérale resserre sa politique monétaire. Si, par effet de contagion, les taux se mettaient à augmenter en Europe, ils fragiliseraient une reprise déjà plus poussive qu’aux Etats-Unis.
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