Joe Biden, face à ses responsabilités
Pressé de questions sur la crise migratoire, le président démocrate, qui annonce qu’il pourrait viser un nouveau mandat en 2024, est resté évasif et prudent. Il préfère mettre en avant ses réussites dans la lutte contre le coronavirus
Et si la stratégie covid de Joe Biden n’était qu’un miroir aux alouettes? Soyons clairs: la campagne de vaccination aux Etats-Unis est une belle réussite. Plus de 100 millions de doses de vaccin ont déjà été administrées, le pays en injecte en moyenne 2,5 millions par jour, et le président démocrate affiche désormais un nouveau but: atteindre le chiffre de 200 millions de doses écoulées durant ses premiers 100 jours. Mais à force de capitaliser sur cette réussite, et de vanter l’adoption par le Congrès de son gigantesque plan de relance à 1900 milliards de dollars censé panser les plaies économiques du coronavirus, Joe Biden masque les dossiers plus épineux: les fusillades de masse, qui endeuillent régulièrement les Etats-Unis, et surtout la crise migratoire à la frontière avec le Mexique, où des mineurs non accompagnés se pressent en nombre. Sur les 15 000 enfants arrivés, près de 5000 seraient actuellement entassés dans des structures bondées et inadaptées.
Pas de «crise»?
Jeudi, lors de sa première conférence de presse depuis son entrée en fonction, devant 30 journalistes triés sur le volet à cause du covid, le président démocrate était attendu au tournant. Retrait d’Afghanistan, missiles nord-coréens, bras de fer avec la Chine, Russie, Iran: il n’a pas échappé aux questions dérangeantes. Mais c’est bien le dossier migratoire qui a pris le dessus. La veille, Joe Biden avait annoncé qu’il l’avait délégué à sa vice-présidente, Kamala Harris. C’est elle, désormais, qui devra faire face aux attaques des républicains, qui accusent l’administration Biden de créer un effet d’appel d’air.
La situation est explosive, mais la Maison-Blanche refuse toujours de parler de «crise». Joe Biden avait promis, pendant sa campagne présidentielle, de mettre fin à la «honte morale et nationale» provoquée par la politique controversée de Donald Trump de séparation des familles à la frontière. Or, désormais, avec l’arrivée de milliers de mineurs non accompagnés livrés à eux-mêmes, cette «honte nationale» pointe à nouveau. Joe Biden clame la transparence, mais il est critiqué pour avoir empêché les médias d’accéder aux centres où sont entassés les enfants. Les journalistes et les photographes qui ont malgré tout pu se rendre sur place décrivent des situations «indignes».
«Aucun enfant ne doit être retenu plus de 72 heures dans des locaux gérés par la Border Patrol», a insisté le président jeudi, en promettant d’agir «vite» et de se pencher sur les raisons qui poussent les migrants à fuir le Salvador, le Honduras ou le Guatemala. Il a aussi rappelé que la «vaste majorité» des familles arrivées à la frontière étaient renvoyées vers leur pays d’origine.
«Il me manque…»
Joe Biden a beau dire qu’il a été élu «pour résoudre les problèmes, pas pour créer la division», il est resté prudent et évasif sur ce dossier. Il a relativisé l’afflux actuel de migrants en déclarant que cela arrivait «tous les ans» à la même période – «il y a une augmentation importante des arrivées à la frontière l’hiver, parce qu’ils ont moins de risques de mourir de chaleur dans le désert» –, et a accusé Donald Trump d’être responsable de la situation, parce qu’il a procédé au démantèlement des structures d’accueil. Il a aussi regretté que le Mexique «refuse de reprendre des familles». Aurait-il agi trop vite en s’empressant, par décrets, d’inverser des décisions prises par Donald Trump? «Je ne vais pas m’excuser d’avoir aboli des politiques qui violaient le droit international et la dignité humaine!» a-t-il rétorqué.
Parmi tous les sujets évoqués, il s’est montré particulièrement virulent sur les tentatives, dans certains Etats contrôlés par les républicains, d’imposer de nouvelles restrictions d’accès au vote. Il a qualifié ces tentatives d’«anti-américaines», de «méprisables» et de «pernicieuses».
Joe Biden a tardé à donner sa première conférence de presse, ce qui a déclenché toutes sortes de rumeurs. Ses 15 prédécesseurs s’étaient pliés à l’exercice durant leur premier mois de présidence. Ses détracteurs estiment qu’il est trop protégé par ses équipes. Les récentes images le montrant trébucher trois fois sur les marches d’Air Force One ont par ailleurs relancé des spéculations sur son état de santé. A 78 ans, Joe Biden est le président le plus âgé au moment d’entrer en fonction. Mais, jeudi, cherchant parfois ses mots, il a laissé entendre qu’il pourrait se présenter pour un nouveau mandat en 2024, avec Kamala Harris. Il s’est aussi laissé aller à quelques pointes d’ironie. Comme celle-ci: «Mon prédécesseur… Oh mon Dieu, il me manque…»
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