Rompre avec Trump
LUC LALIBERTÉ
Si je n’ai jamais considéré que Donald Trump puisse être la solution aux multiples problèmes de la société américaine, il y a bien longtemps que je suis sensible aux Américains qui ne se sentaient que peu ou pas écoutés, ou même respectés, par la classe politique de Washington.
Ces Américains déçus et trop souvent absents lors des scrutins ont manifesté leur appui à Bernie Sanders et Donald Trump lors du cycle électoral 2016. Je n’étais d’ailleurs pas étonné qu’un partisan déçu de Bernie puisse ensuite passer dans le camp Trump après la victoire d’Hillary Clinton lors des primaires démocrates.
Cette masse d’électeurs et d’électrices peut faire la différence lorsqu’on parvient à la mobiliser. Donald Trump a su attirer leur attention et leur consacrer de grands pans de ses discours, répétant aussi souvent que nécessaire les slogans qui leur plaisaient le plus.
Encore sous le charme du 45e président, de très nombreux partisans espèrent son retour et ils exercent encore des pressions sur un Parti républicain qui a besoin de leurs votes pour les élections de mi-mandat ainsi que pour la présidentielle 2024.
C’est à tous ces partisans qu’un ancien allié de Trump s’adressait dans un texte publié sur le site du Washington Post mercredi. L’écrivain indépendant Gary Abernathy représente bien ce partisan du président dont je pouvais comprendre les motivations et l’inclinaison.
Conscient des lacunes du personnage, de son narcissisme ou du fait qu’il lui arrive de se comporter comme un abruti, Abernathy l’a défendu contre toutes les attaques. Il s’est opposé à sa destitution tout en dénonçant la charge menée par les médias plus progressistes. Pourtant, l’écrivain expliquait hier avoir rompu avec le meneur républicain.
Non seulement expliquait-il sa démarche personnelle, mais il suggère au Parti républicain de se dissocier rapidement. Pourquoi? L’incapacité maladive de Trump d’accepter sa défaite et, pire, le fait d’entretenir le mensonge de la fraude électorale tout en refusant de se distancier de ceux qui ont assailli le Capitole le 6 janvier 2021.
Abernathy s’inquiète maintenant du fait que le Parti républicain tolère la désinformation et qu’il se contente de critiquer Biden sans rien proposer en retour. L’écrivain mentionne au passage qu’il ne rompt pas avec tout ce que proposait Trump, mais il insiste pour affirmer que pour aller de l’avant, le parti doit se débarrasser de lui.
Un peu comme on le ferait en mettant un terme à une relation amoureuse passionnée, Abernathy souligne que la rupture ne sera pas chose aisée et que tous ne cheminent pas de la même manière, mais rompre lui paraît inéluctable.
Comment faire pour réussir sa séparation? Se concentrer sur ce qui nous a incités à appuyer Trump en 2016 et rechercher les mêmes thèmes chez des candidats plus avisés. Qu’il s’agisse d’exiger une meilleure protection à la frontière sud, de dénoncer les wokes ou la «cancel culture», de favoriser «America first» en politique étrangère ou d’exiger l’indépendance énergétique, il est possible d’attirer l’attention de nombreux autres politiciens et politiciennes du Parti républicain.
Abernathy ajoute que si la rupture est nécessaire, les amoureux transis n’ont pas à se précipiter et qu’ils jouissent d’un bon délai avant la présidentielle de 2024. Après tout, les élections de mi-mandat de cette année constituent surtout un référendum sur le mandat de Joe Biden, et ce dernier parvient à peine à se démarquer.
Même si le réveil d’Abernathy me semble tardif, j’ai été attiré par le texte de l’écrivain parce qu’il s’approche de ce que je défends depuis un bon moment. Les arguments des partisans de Trump et leur colère sont légitimes. Le problème? Ils ont placé leur confiance entre les mains d’un butor inapte et inexpérimenté.
La frustration et la colère grondent toujours. Si plusieurs ont espéré une solution à leur misère en raison de la victoire de Trump en 2016, leur situation ne s’est guère améliorée, le milliardaire s’étant assuré d’abord de satisfaire les plus riches Américains avant de s’enfoncer dans les méandres complotistes.
Ce n’est pas la première fois que je l’affirme, mais les États-Unis ont besoin que le Parti républicain redevienne un parti d’idées qui vit dans la réalité du 21e siècle. Si la meilleure option demeure le Parti démocrate, c’est qu’il est le seul à vivre dans le bon siècle. Mais les démocrates ont de nombreuses faiblesses et ils ne savent plus comment joindre ces Américains qui, faute de mieux, se sont penchés vers Donald Trump.
Abernathy a donc raison. Rien ne presse pour les républicains en 2022, et 2024 est encore assez loin. Avant de penser à la plateforme électorale de la prochaine présidentielle, il faut d’abord parvenir à rompre avec Trump. Tout le monde ne s’en portera que mieux.
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