La crise provoquée par l’agression russe en Ukraine pose des questions fondamentales pour l’avenir du leadership international des États-Unis.
Le président américain Joe Biden fait des efforts louables pour aider l’Ukraine à résister à l’invasion russe et pour consolider l’Alliance atlantique face à la menace qui pèse sur le reste du vieux continent.
Sur le front militaire, cela lui réussit pour le moment, grâce à l’ardeur au combat du peuple ukrainien et à la solidarité remarquable des alliés européens. Sur le front politique, c’est plus difficile et les défis à long terme sont considérables.
Pourquoi l’Ukraine résiste ?
Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les Ukrainiens résistent si âprement à l’invasion russe. Ce n’est pas parce qu’ils souhaitent troquer l’asservissement à la domination militaire russe pour son équivalent yankee.
Ce n’est pas parce qu’ils souhaitent devenir une succursale de l’empire capitaliste américain. C’est parce qu’ils souhaitent rester maîtres chez eux et établir leur propre État de droit démocratique.
Si les Ukrainiens, comme les autres Européens (et le Canada) sont disposés à suivre le leadership du tout-puissant géant américain, ce n’est pas seulement par opportunisme stratégique ou économique. Les motifs politiques y sont pour beaucoup.
Les piliers du leadership
Sur quoi repose le leadership politique international des États-Unis ? Évidemment, la force militaire et la puissance économique sont essentielles, car il n’y a pas de gouvernement mondial pour faire appliquer les règles du système et il faut avoir les moyens de ses ambitions.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les deux piliers politiques du leadership international des États-Unis ont été leur appui au multilatéralisme et l’exemple démontré par leur propre attachement à la démocratie et à l’État de droit.
Dans un pays où l’un des deux grands partis est encore sous la coupe du trumpisme, c’est là où le bât blesse.
Le vrai défi
Les difficultés éprouvées par les Américains et leurs alliés pour amener l’ensemble des pays du monde à condamner l’agression russe sont un indice de ce déficit de leadership politique.
Le monde peut-il croire aux appels à la défense du multilatéralisme de la part d’un pays qui s’est retranché vers l’unilatéralisme pendant les années Trump ? Peut-on croire aux appels à appliquer le droit pénal international de la part d’un pays qui refuse de s’y soumettre lui-même ?
Le monde peut-il croire à l’exemplarité démocratique d’un pays où l’un des deux grands partis refuse d’admettre la légitimité de l’élection d’un président du parti adverse et s’efforce de restreindre l’accès au vote des groupes qui ne lui sont pas gagnés d’avance ?
Pour les Ukrainiens, l’idéal démocratique est lié à une vision identitaire européenne, mais la pérennité des valeurs démocratiques en Europe n’est pas garantie. Il suffit de constater comment l’extrême droite populiste autoritaire s’incruste au pouvoir en Hongrie et frappe à la porte de l’Élysée en France… avec la bénédiction de Poutine.
Les Ukrainiens font le sacrifice ultime pour ces idéaux, car l’alternative est la botte russe qui leur pèse sur le cou. Quant aux Américains, c’est moins clair.
Aux élections de 2022 et 2024, ils seront plus préoccupés par ce que coûte un plein d’essence pour leur bagnole que par la survie du statut international et du modèle démocratique que leur ont légués les générations précédentes. Le vrai défi au leadership international des États-Unis est là.
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