A Retrograde Decision (Signed by Donald Trump)

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On ne s’en sort pas.

La Cour suprême des États-Unis vient d’enterrer l’arrêt Roe c. Wade et on se retrouve encore à devoir évoquer Donald Trump.

Car il y a un lien causal entre sa présidence et ce verdict aussi rétrograde qu’affligeant.

Si l’avortement sera interdit dans la moitié des États américains, c’est parce que ce milliardaire populiste a réussi à modifier l’équilibre du plus haut tribunal de son pays.

Si les femmes aux États-Unis viennent de recevoir une « gifle » historique (pour citer la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi), c’est parce que Donald Trump a pu nommer trois juges ultraconservateurs à la Cour suprême.

Si les États-Unis viennent de retourner 50 ans en arrière, c’est parce que ces juges avaient été sélectionnés, justement, dans l’espoir qu’ils mettent en pièces Roe c. Wade… et plus encore. Car ils viennent peut-être d’ouvrir une boîte de Pandore (on y reviendra plus loin).

Résultat : ce tribunal se retrouve aujourd’hui avec six juges conservateurs contre trois juges progressistes. Et ceux qui ont été nommés par Donald Trump font partie du bloc de juges qui a pulvérisé l’arrêt Roe c. Wade.

Des magistrats qui, à l’exception du juge en chef John Roberts, ne semblent pas le moins du monde se soucier de l’impact de ce verdict sur la légitimité du tribunal.

Joe Biden a d’ailleurs eu raison de dire que c’était à la fois une triste journée pour le pays ET pour son plus haut tribunal.

La décision est l’une des pires des dernières rendues par la Cour suprême des États-Unis. Celle-ci se place du mauvais côté de l’histoire sur cet enjeu fondamental.

C’est un verdict qui fait reculer le pays en 1973 et qui démontre que le tribunal manifeste maintenant plus d’égards pour les droits des propriétaires d’armes à feu que pour ceux des femmes.

C’est aussi un verdict méprisant pour l’avis de juges qui, au cours des dernières décennies, ont tenté de refléter l’évolution de la société américaine, notamment sur la question de l’égalité entre hommes et femmes. Notons d’ailleurs que les deux tiers des Américains ne voulaient pas voir Roe c. Wade disparaître.

C’est enfin un verdict qui donne l’impression aux Américains que le plus haut tribunal du pays n’est plus indépendant.

On ne mesure pas encore tout à fait l’impact de la disparition de Roe c. Wade, mais on sait que les drames vont se multiplier, à l’avenir, d’un bout à l’autre du pays. Et que ce sont les femmes les moins fortunées, une fois de plus, qui vont souffrir le plus.

On peut aussi s’attendre à ce que d’autres droits chèrement acquis au cours des dernières décennies soient attaqués à court terme par la droite religieuse et ses alliés républicains. Avec un enthousiasme renouvelé.

On peut d’autant moins en douter qu’un des juges les plus conservateurs de la Cour suprême, Clarence Thomas, le suggère dans un argumentaire qui accompagne la décision rendue vendredi.

Ce juge nomme même certaines décisions qui, selon lui, devraient être revues parce qu’elles reposent sur le droit à la vie privée, cité en 1973 pour légaliser le droit à l’avortement d’un bout à l’autre du pays. Il parle de verdicts rendus au sujet des mariages et des relations sexuelles entre personnes de même sexe, ainsi que le droit à la contraception.

En somme, l’annulation de Roe c. Wade est un tremblement de terre, les dégâts seront nombreux et les répliques ne manqueront pas. Certaines d’entre elles pourraient même affecter d’autres droits que celui à l’avortement.

Et c’est un séisme qui doit être vu, dans les pays qui bénéficient de droits cruciaux comme celui à l’avortement, comme un avertissement.

On a eu tendance à oublier, au cours des dernières décennies, à quel point les droits et les libertés ne doivent jamais être tenus pour acquis.

Par ailleurs, en cette ère où la participation électorale est en chute libre dans plusieurs démocraties occidentales, il est bon de se souvenir à quel point les élections ont des conséquences. Le voyage dans le temps imposé aux Américaines, héritage de l’ère Trump, nous le rappelle cruellement.

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