Personne ne doute que Hunter Biden a exploité son patronyme pour conclure à l’étranger des affaires « répréhensibles » sur le plan de l’éthique.
Personne n’a encore trouvé la preuve irréfutable, le fameux « smoking gun », établissant un lien entre Joe Biden et la « corruption » de son « propre à rien » de fils.
N’empêche, les dirigeants de la Chambre des représentants chargés de l’enquête en destitution visant l’occupant de la Maison-Blanche semblent convaincus du récit suivant : en 2016, alors qu’il était vice-président, Joe Biden a aidé son fils en facilitant le licenciement du procureur général de l’Ukraine, Viktor Chokine, qui enquêtait sur la société d’énergie Burisma, dont Hunter Biden était administrateur grassement rémunéré.
Or, la « vérité » contredit ce « narratif ».
« En réalité, M. Chokine était profondément enraciné dans la culture ukrainienne de la corruption et, loin d’être un modèle de transparence, il était considéré par de nombreux Occidentaux – y compris certains sénateurs républicains conservateurs – comme un obstacle aux réformes anticorruption. En fait, rien ne prouve que M. Chokine ait participé à une enquête sur Burisma ni que le rôle de Joe Biden dans son licenciement ait été lié de quelque manière que ce soit à Burisma. »
L’homme à qui l’on doit ce paragraphe, de même que les opinions et les autres mots entre guillemets qui le précèdent, n’est pas un partisan de Joe Biden. Il s’agit du représentant républicain du Colorado, Ken Buck, conservateur pur et dur, qui s’est exprimé de la sorte dans le Washington Post samedi.
Au moins quatre autres de ses collègues républicains avaient publiquement mis en doute le bien-fondé de l’ouverture d’une enquête en destitution à l’encontre de Joe Biden avant que le président de la Chambre, Kevin McCarthy, n’en fasse l’annonce, mardi dernier. Sans compter les doutes exprimés en privé par d’autres représentants républicains, dont la plupart des 18 qui ont été élus en 2022 dans des circonscriptions remportées par Joe Biden.
Cela dit, la marche des républicains vers l’« impeachment » de Joe Biden était irréversible. Elle a commencé avant même que la première procédure en destitution contre Donald Trump ne soit terminée.
« Un jour, il y aura un président démocrate et une chambre républicaine, et je soupçonne qu’ils s’en souviendront », a prophétisé le 45e président en décembre 2019 au cours de la procédure dont il faisait l’objet pour avoir fait pression sur Volodymyr Zelensky afin qu’il lance une enquête sur les Biden.
Donald Trump a enfin l’enquête qu’il réclamait. Mais les allégations actuelles des républicains ne sont pas plus fondées, pour le moment, que les siennes à l’époque.
Certes, comme Kevin McCarthy l’a souligné mardi dernier lors d’une brève conférence de presse, Joe Biden a menti (sciemment ou non) en affirmant lors d’un débat présidentiel en 2020 que son fils n’avait pas fait d’argent en Chine.
Mais a-t-il également menti lorsqu’il a dit, en 2019, qu’il n’avait « jamais parlé » à Hunter Biden de ses transactions commerciales ? Les républicains ont démontré que Joe Biden avait rencontré des partenaires d’affaires de son fils et que son fils l’avait mis sur haut-parleur une vingtaine de fois alors qu’il s’entretenait avec des associés.
« L’illusion d’un accès » à son père
Un ancien partenaire d’affaires de Hunter Biden, Devon Archer, a cependant témoigné que ces conversations s’étaient limitées à des amabilités et que Joe Biden n’avait jamais été mêlé aux affaires de son fils. Ce que Hunter Biden vendait à ses associés, selon Devon Archer, c’était « l’illusion d’un accès » à son père.
Kevin McCarthy a aussi évoqué une allégation selon laquelle le fondateur de Burisma, Mykola Zlotchevsky, aurait versé un pot-de-vin de 5 millions de dollars chacun à Joe et Hunter Biden pour faire virer le procureur général de l’Ukraine. L’allégation ne tient pas la route non seulement pour les raisons expliquées précédemment, mais également parce que Zlotchevsky a lui-même fini par la démentir.
« Nous savons que des relevés bancaires montrent que près de 20 millions de dollars ont été versés à des membres de la famille Biden et à des associés par l’intermédiaire de diverses sociétés-écrans », a encore dit le président de la Chambre.
Kevin McCarthy n’a pas précisé que Hunter et son oncle James, les membres de la famille Biden en question, n’avaient reçu qu’une fraction de la somme mentionnée et que les « sociétés-écrans » n’étaient que des sociétés à responsabilité limitée, comme Donald Trump en a des centaines.
Et il n’a pas révélé en quoi ces versements étaient liés à des activités illégales.
Jusqu’à présent, le dossier des républicains contre Joe Biden rappelle cette formule employée par Rudolph Giuliani concernant la fraude électorale en Arizona : « Nous avons beaucoup de théories, mais nous n’avons pas de preuves. »
Cela ne veut pas dire que des preuves n’existent pas concernant Joe Biden. Ou que les républicains ne découvriront pas en cours de route des informations nuisibles au président qui n’ont rien à voir avec les allégations initiales.
C’est d’ailleurs en raison de ces réticences que Kevin McCarthy a ouvert l’enquête sans demander à la Chambre de l’entériner par un vote, ce qu’il avait pourtant promis le 1er septembre dernier. Le successeur de Nancy Pelosi voulait protéger ses membres les plus vulnérables en leur épargnant un vote sur le sujet.
Sauver son poste
Mais Kevin McCarthy voulait surtout sauver son poste en donnant le feu vert à une enquête en destitution. À la tête d’une mince majorité, il doit composer avec une aile extrémiste dont l’un des membres les plus frondeurs, le représentant de Floride, Matt Gaetz, menaçait de le faire tomber s’il ne lançait pas une procédure en destitution contre Joe Biden.
En désamorçant cette menace, McCarthy espérait en outre se donner une plus grande marge de manœuvre au sein de son propre camp en prévision des négociations finales sur le financement du gouvernement. Faute d’un accord d’ici le 30 septembre, l’État fédéral connaîtra une autre paralysie, scénario de plus en plus probable.
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