La réception de John McCain par George W. Bush à la Maison-Blanche n’était pas une passation de pouvoirs, mais elle a mis en relief les avantages que confère au sénateur de l’Arizona sa victoire dans les primaires républicaines. Débarrassé de la concurrence dans son camp, il doit commencer à unifier le parti pour le scrutin de novembre, une tâche cruciale pour ce «franc-tireur» qui n’a toujours pas convaincu la droite chrétienne. Il va récolter des fonds pour l’affrontement de l’automne, opération dans laquelle l’aide du président sortant sera précieuse. Il bénéficie également de l’organisation du Parti républicain fonds, conseillers, plans de campagne. Il peut enfin prendre son temps pour choisir un colistier.
Le sénateur de 71 ans a prévu de lancer sa campagne officielle après Pâques. Il devrait effectuer une tournée du pays pour faire connaître sa biographie de héros torturé au Vietnam, puis prononcer une série de discours durant l’été sur l’économie, l’environnement ou le système de santé. Karl Rove, l’ancien stratège de Bush, lui conseille d’ignorer les démocrates pour l’instant et de garder ses munitions pour le duel final. Pendant que ces derniers se déchirent, il a tout le loisir de faire la cour aux électeurs indépendants, indispensables pour gagner une élection générale.
La confusion dans le camp adverse semble garantir à McCain des semaines de relative tranquillité. Malgré son come-back mardi au Texas et dans l’Ohio (le troisième en deux mois après le New Hampshire et le Supermardi), Hillary Clinton n’a enregistré qu’un gain mineur d’environ dix délégués nets par rapport à son adversaire. Sur 26 millions de suffrages exprimés jusqu’ici, Barack Obama garde une avance de quelque 500 000 voix ; il compte une centaine de délégués de plus et peut se targuer d’avoir remporté 27 scrutins sur 42. La sénatrice de New York fait valoir qu’elle a gagné dans tous les grands États, en particulier les «swing states» que les démocrates ne peuvent laisser aux républicains en novembre sous peine d’échec.
Mais leur affrontement est virtuellement bloqué. Ni l’un, ni l’autre ne peut espérer atteindre le seuil de 2 025 délégués nécessaires à l’investiture du parti lors des douze compétitions qu’il reste. C’est mathématiquement impossible : même si l’un d’eux raflait tous les États à venir avec 60 % des voix, il n’obtiendrait que 366 délégués supplémentaires ; il en manquerait encore 196 à Clinton et 95 à Obama. La différence viendra donc des superdélégués, 796 élus et dirigeants du parti siégeant ès qualités à la convention. Entre 350 et 450 d’entre eux seraient encore indécis : Clinton a besoin d’en convaincre les deux tiers, Obama un tiers.
La stratégie de l’ancienne First Lady consiste à gagner en Pennsylvanie le 22 avril, démontrant ainsi qu’elle est la mieux placée pour remporter les batailles à venir contre McCain. En attendant, elle presse les superdélégués de «garder leur poudre au sec». De son point de vue, le temps joue pour elle, même si les six semaines qui la séparent de ce scrutin équivalent à une éternité en politique. Obama, lui, compte sur son statut de favori demain dans le Wyoming et mardi dans le Mississippi pour convaincre les superdélégués de se décider sans attendre en sa faveur.
Toutes ces hypothèses promettent encore des semaines d’affrontements. Certains y voient un avantage pour McCain : ses adversaires feraient le «sale boulot» à sa place et se présenteraient affaiblis au scrutin de novembre. D’autres parient sur un bénéfice pour les démocrates : la poursuite des primaires leur permettrait d’avoir un candidat déjà passé au crible et d’entretenir la mobilisation de leur base. Le candidat républicain se retrouverait marginalisé, poussé dans l’ombre.
Avantage ou inconvénient, la situation est tout ce qu’il y a de classique : dans toutes les élections présidentielles américaines depuis 1928, il y a eu un candidat sortant au moins au niveau des primaires. Lorsqu’il n’était pas contesté par les siens, comme Reagan en 1984, Bush père en 1992, Clinton en 1996, Bush fils en 2004, un seul parti faisait campagne pendant des mois. Hillary Clinton a beau souligner qu’en 1992, son mari n’avait pas obtenu l’investiture avant le mois de juin, elle oublie que l’affrontement avait alors duré neuf mois : cette année, il risque de s’éterniser sur dix-sept.
Alors l’idée d’un «ticket» associant les deux rivaux ? Aucun d’eux ne l’a exclue, à condition de figurer en tête du tandem. Obama ne voit pas pourquoi il céderait sa position de leader, et Hillary a déjà connu pendant huit ans le rôle de figurante à la Maison-Blanche. Peu probable, donc. D’autant que face à John McCain, Clinton et Obama pourraient additionner leurs faiblesses, et non leurs forces.
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